La désastre d'Andrinople en 378

CONFLITS ET BATAILLES DE L'HUMANITE


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Prélude à la guerre contre les Goths

En 378, l'Empire romain est une terre où les Barbares veulent s'installer. Ce n'est pas un empire en déclin. La venue des Goths est une migration due à l'arrivée, au nord du Danube, c'est à dire hors de l'empire romain, de la coalition menée par les Huns qui les chassent toujours plus loin. Valens ordonne une première campagne qui, en 369, refoule les Goths qui ont envahi la Thrace et apporté un soutien à l'usurpateur Procope. Mais revoyons les rapports entre les Goths et les Romains.

En effet les Goths sont depuis longtemps les voisins de l'Empire romain. Ils savent que Rome emploie des mercenaires, pour une seule campagne, par exemple contre les Perses. Les "salaires" sont élevés et comme de nombreux mercenaires se font tuer au combat, discrètement, ce qui rend la frontière danubienne plus calme, c'est un avantage que souligne Libanios. Les chefs de tribus s'habituent au IVème siècle, à négocier avec les Romains des accords qui facilitent la formation de confédérations plus importantes. Constantin le Grand est le premier empereur qui signe ce type d'accords selon lesquels les chefs fournissent des guerriers selon les besoins de l'armée romaine et reçoivent en échange des cadeaux et des subsides réguliers permettant de nourrir leur peuple. Le successeur de Constantin en Orient, Constance II continue cette politique et la frontière danubienne est calme. Les mercenaires sont employés fréquemment par l'armée romaine et la circulation de monnaie et de subsides transforme la vie et l'économie des Barbares. Outre la livraison de blé de l'autre côté du Danube, les Goths achètent aux marchands romains ce qui leur est nécessaire. Les Goths sont devenus dépendants de l'Empire. Le christianisme s'est introduit avec les nombreux prisonniers romains du IIIème siècle. Puis des Goths chrétiens qui vivent et font des études dans l'Empire, reviennent dans leur peuple et diffusent la nouvelle religion. Le plus célèbre d'entre eux se nomme Ulfilla, un intellectuel formé à Constantinople qui a inventé un alphabet pour écrire sa langue maternelle et qui a traduit la Bible du grec en langue gothique. Consacré par un évêque arien, il rentre au pays et devient l'évêque des communautés chrétiennes éparses. Plusieurs empereurs ariens favorisent le clergé guth arien, mais au delà du Danube, beaucoup de chefs restent hostiles à la nouvelle religion. Des persécutions éclatent et au moment de la bataille d'Andrinople, les Goths sont divisés.

Les rapports avec l'Empire romain se dégradent après la fin de la dynastie constantinienne. L'empereur Valens, à la différence de son frère Valentinien est un "fanatique religieux", il persécute les nicéens et devient impopulaire. Les chefs Goths informés de ces difficultés, décident qu'ils sont liés à Constantin et sa famille et non à l'Empire romain, la notion d'Etat n'étant pas familière aux Goths. Aussi quand Procope se révolte contre l'empereur, il dispose de deux atouts, il contrôle rapidement Constantinople et il est attaché à la famille de Constantin. Mais quand les Goths envoient des bandes de guerriers soutenir l'usurpateur, celui ci est déjà vaincu et éliminé. Valens fait prisonniers tous ces guerriers goths et veut négocier avec leurs chefs les conditions de leur élargissement. Les négociations s'enlisent et Valens décide de faire vendre tous les guerriers comme esclaves. Puis il franchit le Danube et dévaste le pays des Goths. Il ne semble pas qu'il y a eu de batailles, seulement une politique de terre brûlée. Les Goths habitués à dépendre des subsides fournis par Rome, maintenant que tout cela s'arrête, s'inquiètent et leurs chefs implorent l'empereur de faire la paix. C'est en 369 que la paix est signée. Le nouveau traité est moins favorable, plus de subsides, plus de fournitures de blé en punition de s'être rebellés. Les échanges avec les marchands romains sont diminués. La vie pour les Goths est soudain plus pénible, c'est une situation propice pour les marchands d'esclaves qui trouvent des familles démunies, prêtes à vendre un enfant. Les esclaves goths sont nombreux sur les marchés.

En 376, une rumeur court à Constantinople, annonçant qu'au Nord, les Barbares s'agitent, sur toute la longueur du Danube, jusqu'au Pont-Euxin. Des populations entières sont chassées de leurs "villages" par une menace inconnue et elles stationnent, inquiétantes, à la frontière. Aucun signe de la part de l'empereur, distant à ce moment de près de 2000 kilomètres des provinces danubiennes, la cour s'est transportée à Antioche pour organiser une prochaine guerre contre les Perses. Valens est informé de la situation, avec retard, les nouvelles mettent plusieurs semaines pour rejoindre Antioche. Et la situation que perçoit l'empereur et son entourage leur semble moins terrible que le ressent le peuple. De quoi s'agit-il ?

Provenant des steppes de l'Asie, un peuple tout à fait inconnu, de purs nomades, vivant pratiquement à cheval et n'habitant que le chariot ou la tente avec femmes et enfants. Ce mode de vie est tout à fait étranger à l'esprit romain. Il suffit de lire Ammien Marcellin (XXXI, 2), pour s'en rendre compte :

"Tous errent à l'aventure, sans demeures stables, sans foyer, sans loi, ni usage établi, toujours pareils à des fugitifs, avec des chariots qui leur servent d'habitation.... Ils ignorent complètement, à la façon des animaux privés de raison, ce que sont le bien et le mal."

C'est le genre d'ennemis dont les Romains se sont toujours méfiés, les Huns combattent à cheval avec des lassos, des javelots et des arcs, capables de se déplacer rapidement, d'apparaître tout à coup là où on ne s'attend pas, de combattre ou de refuser la bataille selon leur volonté. Pas étonnant que les Goths soient terrorisés et incapables de résister ! Les Huns, menés par le khan Balambert, franchissent successivement, le Don, le Dniepr et le Dniestr et ils massacrent tout le monde là où ils apparaissent. Les Goths tentent de se défendre mais l'un après l'autre leurs chefs sont vaincus. Leurs peuples s'ajoutent à la foule des fuyards qui arrivent affamés sur la rive nord du Danube. Les Huns sont encore loin, chargés d'un impressionnant butin mais tout retour en arrière est exclu, les champs ne sont pas ensemencés, le pays des Goths est redevenu sauvage.

De l'autre côté du fleuve, ils savent qu'il y a un empire riche où ils peuvent trouver du travail et ils demandent qu'on leur permettent d'entrer, ce sont des Thervinges. C'est ce que les chefs goths expliquent aux officiers romains venus les interroger sur leurs intentions. Et c'est ce que contient le rapport envoyé à Antioche par les gouverneurs militaires avec une question urgente :

"Que faut-il faire de tous ces gens ?"

A Antioche, Valens et ses conseillers apprécient la situation de la façon suivante : l'Empire a un besoin permanent de main d'oeuvre et l'armée un besoin plus urgent de soldats. Les Goths sont des paysans, ils peuvent mettre en valeur des provinces qui sont dépeuplées car l'exploitation agricole n'y est plus rentable en raison des impôts très lourds. Ils peuvent aussi travailler dans les vastes exploitations agricoles du domaine impérial qui manque toujours de personnel. Les gens capables de travailler et qui se satisfont de peu sont les bienvenus ! Et pour chaque Goth servant dans l'armée romaine, un Romain peut être dispensé moyennant une certaine somme d'argent. Tout le monde y gagne !

Valens donne l'ordre de faire traverser tous les hommes une fois désarmés. Mais il faut encore transmettre cette volonté sur place et les envoyés de l'empereur ont en plus la charge de recenser les Goths qui sont accueillis dans l'Empire. Mais sur la rive du Danube, les réfugiés goths campent depuis plusieurs semaines sous une pluie continue et des groupes de Goths ont tenté de traverser le fleuve sans autorisation. Ils sont capturés par les soldats romains et éliminés. Avec les nouvelles consignes de traiter les Goths comme une ressource précieuse, les officiers responsables de ces incidents sont remplacés et jugés.

La traversée "autorisée" commence, le seul pont sur le Danube, construit par l'empereur Constantin est en ruine, il faut donc le traverser par bateau. Les barques de tous les pêcheurs de la région sont réquisitionnées, des radeaux et des pontons sont construits, et même des embarcations faites d'un tronc d'arbre évidé ! La traversée dure plusieurs semaines, de jour comme de nuit. Selon Eunape, le transfert se fait dans la plus grande confusion. Les consignes stipulent que les enfants traversent d'abord et soient gardés comme otages, puis les hommes désarmés mais la corruption permet aux Goths de garder leurs armes et de transporter toute leur famille. Et les réfugiés continuent d'arriver. L'information circule de l'autre côté du fleuve et l'occasion est trop belle ! Puis des nouveaux chefs goths demandent à traverser, des Greuthonges, les officiers romains leur font comprendre qu'il n'y a plus de place.

Un immense camp s'est monté sur la rive romaine et les fonctionnaires sont débordés, Les rations militaires fournies aux Goths sont insuffisantes, les conditions d'hygiène sont déplorables. Pourquoi laisse-t-on tous ces réfugiés ici alors que les consignes d'Antioche sont de les emmener vers l'intérieur des terres ? Le duc Maximus et le comte Lupicinus chargés de cette opération comprennent vite qu'il y a beaucoup d'argent à gagner avec les vivres pour les Goths. Et ils se mettent à vendre à des prix exorbitants, les vivres qui leur sont dus. Les Romains leur vendent même du chien pour un esclave par animal selon Ammien.

Et puis Maximus et Lupicinus craignent que les Goths les dénoncent et ordonnent le transport des Goths vers les terres prévues pour leur installation et tous les soldats disponibles sont mobilisés sur le parcours. Si bien qu'il n'y a plus de patrouilles romaines sur le Danube, les postes de garde sont vides et la foule qui attend sur la rive nord du Danube traverse le fleuve sur des radeaux. sans autorisation. La marche du convoi vers la Thrace est lente, au rythme des chariots à boeufs, enfin les Goths approchent de la cité de Marcianopolis. Ils sont affamés et pensent se reposer et se restaurer dans cette cité mais rien n'est prêt et la population, inquiète, ne veut pas qu'on ouvre les portes. Les Goths, furieux, tentent de rentrer de fprce, L'escorte romaine intervient, elle est vite débordée et éliminée, les Goths prennent les armes et les cuirasses des légionnaires morts.

Pendant ce.temps; les chefs goths sont invités à un banquet par Lupicinus qui fait pendant le repas supprimer les gardes goths qui accompagnent leurs chefs. Les guerriers goths, hors de la cité, veulent pénétrer. Mais Fritigern et les autres chefs "se rendent compte qu'il se passe quelque chose" et disent à Lupicinus que leurs hommes s'inquiètent pour eux et qu'il faut se montrer pour ramener le calme. C'est ainsi que Fritigern et les autres chefs sortent indemnes du "guet-apens". Devant leurs hommes ravis, ils affirment que les Romains ont renié leur parole et que c'est à présent la guerre."

La guerre des Goths

Les Goths se sentent trahis et il faut nourrir leurs familles donc ils pillent rapidement les alentours, tuent les paysans, prennent les chevaux et tout qu'ils peuvent emmener. Lupicinus, responsable militaire de la région, évite de demander de l'aide à l'empereur et décide de s'occuper seul de cette affaire. Il rassemble les troupes mobiles disponibles, environ 5 à 6 000 soldats professionnels avec l'équipement lourd (une lance longue de deux mètres cinquante, la spatha, une épée longue, le bouclier rond ou ovale, la cotte de maille en fer qui remplace la lorica moins pratique. Ils disposent aussi de petits javelots et de flèches plombées (plumbata). Le combat à distance est confié à des archers orientaux.

Fritigern dispose d'un nombre inconnu de guerriers, tout dépend s'il est rejoint par les clandestins qui viennent de traverser le Danube. Mettons au moins 8 000 soldats. Ces guerriers sont mal équipés, une lance et un bouclier de bois. Les casques et les épées sont l'apanage des chefs et les armes prises aux légionnaires morts sous les murs de Marcianopolis n'équipent que quelques guerriers. Les Romains peuvent l'emporter !

Mais c'est un désastre pour Lupicinus ! Pourquoi ?
Les Goths sont ils si nombreux ? ou si désespérés que cela leur donne une énergie bien plus grande que les légionnaires ?

Lupicinus range ses troupes en ordre de bataille et attend l'ennemi, confiant en la solidité des légionnaires. Mais les Goths attaquent avec une telle fougue qu'au bout d'un certain temps, les lignes romaines reculent puis cèdent et la majorité des légionnaires sont massacrés lors de leur fuite ! Lupicinus n'attend pas la fin du combat et se réfugie derrière les murailles de Marcianopolis. On sait que les Goths attaquent en utilisant leur boucliers pour pousser l'ennemi surtout avec l'umbo, cette pièce de fer centrale qui peut être composée d'une pointe de fer tranchante et ceux qui sont munis de lances et d'épées, frappent entre les boucliers.

Le soir, les Goths maîtres du champ de bataille, dépouillent les légionnaires tombés de leurs armes et peuvent enfin s'équiper en casques, épées et cotte de maille. Fritigern après avoir festoyé se dit : "Nous sommes maître de la Thrace, aucune garnison romaine ne peut nous affronter, tant que l'empereur est à Antioche." Effectivement, rien ne les empêche de mettre le pays à feu et à sang ! Pendant ce temps là, les autorités romaines se posait la question :

Les nombreuses bandes de guerriers goths recrutées comme mercenaires pour la guerre contre les Perses, resteront elles fidèles ? ou rejoindront elles les réfugiés ? L'essentiel des bandes sont sur la frontière de la Mésopotamie et probablement sans nouvelles des régions danubiennes. Mais deux chefs goths, Sueridius et Colias depuis longtemps au service de Valens sont en Thrace avec leurs troupes près d'Andrinople. Les autorités de cette cité sont très mécontentes d'entretenir de telles bandes indisciplinées et se livrant au pillage ! Les deux chefs, informés de la révolte des Goths ne changent rien à leurs habitudes, ce sont de vrais mercenaires qui se battent pour qui les paient, sans aucune considération nationale. Mais d'Antioche vient l'ordre de se mettre immédiatement en marche vers la Mésopotamie. Les deux chefs goths se présentent aux autorités de la ville pour obtenir les vivres et l'argent pour le voyage. Ils promettent de partir dans deux jours.

Et là, selon Ammien, le premier magistrat de la cité qui en veut particulièrement Goths qui ont causé des dommages sur ses terres, met la population en état d'alerte et donne l'ordre aux Goths de partir immédiatement rejoindre l'empereur sans leur accorder les vivres nécessaires. Les Goths sont surpris par cette décision et se rendent vite compte que les citoyens sont armés et menaçants. Ce sont d'abord des sifflets, puis des insultes, puis des cailloux et enfin des flèches. Les Goths stupéfaits, attaqués par des citoyens en pleine rue, finissent par se fâcher et attaquent ces civils qui sont pris de panique. Il y a beaucoup de morts, essentiellement des citoyens romains et les Goths ne pouvant rester après cette hécatombe, ramassent les armes des morts et vont rejoindre les troupes de Fritigern, où leur arrivée déclenche un grand enthousiasme. Dans l'euphorie, la décision est prise d'attaquer Andrinople, mais sans machines de sièges ni connaissances pour en construire, c'est l'échec face aux murailles. Fritigern prononce un discours resté célèbre dans lequel il explique qu'il vaut mieux laisser les murs tranquilles et faire la guerre aux aux paysans. Et les raids de pillages, les destructions de villas reprennent avec des foules qui fuient la campagne devenue dangereuse et s'entassent dans les villes. Mais les révoltés trouvent des appuis sur le terrain, des Goths prisonniers de guerre, forcés à travailler dans les exploitations impériales ou devenus esclaves et qui désertent dès qu'ils le peuvent. Ils rejoignent les révoltés et les renseignent sur les opportunités de pillages. La troupe des Goths se renforce jour après jour.

Comment réagit le pouvoir romain ? Valens doit renoncer à sa guerre contre les Perses. Il envoie un collaborateur pour traiter les affaires en suspens au mieux. Les troupes qui sont rassemblées à la frontière de la Mésopotamie sont envoyées vers la Thrace, à marche forcée, sous la direction des généraux Trajanus et Profuturus qu'Ammien considère comme des généraux de temps de paix. Il préconise dans une telle situation, de ratisser le territoire, de ne pas chercher la bataille mais se borner à surprendre une bande puis une autre, de repérer les campements, les attaquer par surprise au moyen de petites unités d'élite, d'ainsi libérer les prisonniers, de récupérer le butin et d'affaiblir petit à petit l'ennemi. Mais sans doute les ordres de Valens sont tout autres, il s'agit d'obtenir des résultats immédiats ! Aussi, l'armée romaine avance en une longue colonne vers la zone où l'on sait que les Goths sont rassemblés. Ces Goths sont bien renseignés et ils savent que cette armée est plus forte que la leur. Fritigern ne veut pas rester là à attendre d'être attaqué, il rappelle toutes les bandes en maraude, forme avec tous les chariots un immense convoi et commence une retraite à travers les montagnes de la Thrace. Puis, établi sur des positions imprenables, contrôlant les cols et ses arrières, il semble prêt pour la bataille. Mais les généraux romains suivent le convoi dans les montagnes et prennent une bonne décision en n'attaquant pas. Les réfugiés se sont enfermés dans les montagnes d'où ils peuvent difficilement sortir. Les Romains ne sont pas pressés de les attaquer dans ces conditions difficiles, l'ennemi est confiné dans les montagnes et pourra difficilement en sortir. Inutile de prendre des risques ! Les troupes romaines viennent jusqu'au bord de montagnes et s'arrêtent.

Fritigern attend quelques jours que les romains attaquent, puis il donne l'ordre de repartir vers le Nord, sortant de ce massif montagneux vers le delta du Danube. Comme s'il avait décidé de rentrer en Dacie avec le butin, les esclaves pris pendant ces mois de pillage. Les deux camps semblent vouloir éviter le combat. La marche vers le fleuve continue, lentement, les Goths sont freinés par la longue file de chariots tirés par des boeufs et les Romains suivent prudemment, en guettant le moment propice pour déclencher l'attaque.Les Goths s'arrêtent près d'un lieu appelé ad Salices (les Saules), dans l'actuelle Dobroudja roumaine. Ils s'installent, les chariots formant un grand cercle, une forteresse de bois qu'Ammien nomme carrago (fortification/barricade). Au milieu, les femmes préparent la cuisine et entretiennent les feux, les chevaux sont à l'abri et les prisonniers attachés. Quelques détachements cherchent du fourrage et des vivres vivres alentour.
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Tout près de là, se trouve le camp romain. Les officiers romains voient arriver Richomer, un général de l'Occident avec des renforts symboliques. Les généraux de l'empereur Gratien refusent de laisser le front du Rhin dégarni. Les trois généraux tiennent conseil. Ils se sentent plus forts que les Barbares et sont décidés à prendre l'initiative dès que les Goths reprendront leur progression. Ils prévoient d'attaquer l'arrière garde où se trouveront les chariots remplis de butin et les prisonniers. S'ils acceptent le combat, ils seront dans des conditions si défavorables que la guerre pourrait être finie en un seul combat.

Pendant que les officiers romains font preuve d'un tel optimisme, les Goths sont en sécurité aux Saules, à l'abri de leur enceinte de chariots. Et Ammien nous dit qu'ils sont informés des plans des Romains. En effet, l'armée romaine compte des soldats enrôlés de force et prêts à s'évader. Fritigern opte pour la solution la plus simple, rester sur place. Mais cela ne peut durer longtemps. Il faut pour s'en sortir accepter la bataille. Fritigern fait partir des estafettes faire rentrer rapidement les escouades en recherche de vivres. Lorsque les dernières rentrent, le soir est venu, la tension est grande dans le camp des Goths, mais la nuit est tombée. Il faut attendre le lendemain, mais les guerriers ne dorment pas.

La bataille des Saules 377

Dans le camp romain on se rend bien sûr compte, par tous ces cris, que quelque chose va se passer bientôt et les légionnaires ne dorment pas beaucoup. Au matin, les soldats des deux côtés se préparent au combat et se regroupent avec discipline. Chez les Goths, la foule des barbares sort du cercle des chariots et remplit la plaine. Les légionnaires se déploient à quelques hectomètres. Et les deux armées se rapprochent l'une de l'autre. Les Goths alignent les renforts qu'ils viennent de recevoir, des Alains et des Huns. La cavalerie romaine est à l'aile gauche et dirigée par le général Profiturus. Au centre le général Trajan commande les légions d'Arménie, les auxiliaires Thraces et les limitanei de Scythie. A l'aile droite, le général Frigeridus dispose de régiments d'archers. Ammien ne nous a laissé que peu de renseignements sur les effectifs engagés. La bataille a duré la journée entière. L'aile gauche de l'armée romaine cède sous les assauts mais ne rompt pas. Elle est renforcée et tiendra jusqu'au soir. Sur l'aile droite, l'armée romaine remporte un succès mais la ligne des Goths tient bon. En fin d'après midi, les Goths résistent toujours derrière la rangée de chariots. Les pertes sont très lourdes des deux côtés mais le manque de soldats mobiles du côté romain fait qu'elles sont plus difficiles à remplacer. Les Romains, conduits par Saturninus, se replient à Marcianopolis, tandis que les Goths restent une semaine dans leur camp.

Puis les Romains laissent les Goths libres de leur mouvement et vont passer l'hiver dans des cités fortifiées. Des engagements de faible intensité ont lieu entre les Goths et les légionnaires et connaissent des fortunes variées. Enfin en 378, l'empereur Valens prend conscience du danger, fait la paix avec les Perses et demande du secours à l'empereur d' Occident, Gratien. Il dégarnit la frontière sur le Tigre et emmène les vétérans d'Arménie. Mais Gratien est aux prises avec des Alamans révoltés. L'empereur marche sur Andrinople mais les Goths ne sont pas là.

La direction prise par l'armée romaine est celle des monts du Rhodope. Les Goths semble-t-il se déplacent vers le Sud comme si Fritigern voulait affronter l'empereur. Les Romains, pourtant pourvus d'une cavalerie non négligeable, n'ont pas de cavalerie légère pour faire des reconnaissances efficaces. En effet, il s'agit surtout de clibanarii, de la cavalerie lourde, revétue d'armures lourdes. Mais soudain, des éclaireurs signalent l'armée goth proche, descendant la vallée de la Tunza et capable de venir sur Andrinople, soit derrière la colonne romaine. Fritigern songe sans doute à bloquer le ravitaillement de l'armée romaine en provenance de Constantinople. Il est bien mieux renseigné sur la position de son adversaire !

Mais Valens réagit rapidement, les Goths sont encore en zone montagneuse et avancent lentement. Peut-être peut-on leur barrer le passage avant d'être contourné. L'empereur envoie des cavaliers et des archers pour occuper les cols que les Goths doivent emprunter. Fritigern ne veut pas se faire attaquer par surprise dans la montagne aussi les Goths avancent avec précaution et parcourent un arc de cercle encore plus grand. Le but est toujours de couper la route de Constantinople mais l'effet de surprise n'existe plus. Valens n'avait pas une idée précise de l'effectif ennemi, un détachement ou le gros de l'armée. Enfin une patrouille d'éclaireurs lui fournit un rapport plus précis : l'ennemi repéré ne compte pas plus de dix mille soldats. Valens dispose d'environ le double, il décide alors de revenir à Andrinople pour attaquer les Goths dans la plaine.

Camp romain
(http://www.imperioromano.com)

L'armée romaine est dans les faubourgs d'Andrinople et dresse un camp fortifié, avec fossé et palissade. (image de camp fortifié romain) Valens est tranquille, il attend l'avant-garde de l'armée de Gratien, conduite par Richomer qui vient de lui apporter une lettre de son empereur, lui confirmant cette arrivée et lui conseillant de l'attendre. Valens n'est pas très satisfait de la letrre de son jeune neveu, il réunit son conseil de guerre. La plupart des généraux donnent raison à l'empereur Gratien, en particulier le magister equitum, Victor, d'origine sarmate, mais selon Ammien Marcellin, temporisateur et prudent. Mais Sebastianus qui vient de remporter des victoires, veut attaquer au plus tôt. Les officiers courtisans voyant que Valens voulait une victoire pour assurer sa position à constantinople et ne pas la partager avec Gratien font pencher la balance au profit de l'attaque immédiate. C'est le 8 août 378, les légionnaires déjà avertis foubissent leurs armes et soignent les chevaux. C'est alors qu'arrive une ambassade envoyée par Fritigern et conduite par un prêtre arien (comme Valens), qui apporte une lettre de leur chef.

L'empereur accepte de recevoir cette ambassade qui ne comprend aucun guerrier de haut rang. La lettre dit que les goths sont venus dans l'empire romain parcela gurre les a chassés de leurs pays. Valens en leur accordant la permission de traverser le Danube, leur a promis des terres et du bétail. Les Goths demandent donc que les promesses soient tenues et ils vivront de manière paisible, en Thrace comme de fidèles sujets de l'empereur. Cette lettre est approuvée par tous les chefs goths. Le prêtre porte un message secret, à remettre à l'empereur en personne qui dit que Fritigern a toujours désiré la paix mais que les autres chefs et le guerriers se sont monté la tête et n'en veulent plus. Mais aussitôt que l'empereur arrivera avec son armée et que ses guerriers verront la puissance de Rome, ils reviendont calmes et un accord pourra être négocié.

Fritigern est il soncère ? Sa situation militaire n'est pas enviable, sa tentative de contourner l'armée de Valens et de couper la route de Constantinople est un échec, il doit livrer bataille en terrain découvert ou négocier. Peut être Fritigern ne s'est résolu à aucune de ces deux possibilités. Le plus probable est qu'il laisse ouvertes ces deu alternatives en attendant de voir comment évolue la situation. Mais Valens trouve bizarres ces deux messages, il renvoie l'ambassade et se prépare à affronter l'ennemi.

La bataille d'Andrinople le 9 août 378

L'armée romaine, à l'aube prend le chemin du camp des Goths. Le trésor qui accompagne l'empereur et les enseignes de la dignité impériale sont mis en sécurité à Andrinople avec les ministres qui suivent Valens. Les bagages de l'armée restent dans le camp fortifié. Le camp des Goths reconnu par les éclaireurs est à 22 kilomètres ! Après sept heures de marche sur un terrain difficile, les fantassins romains arrivent fatigués et en désordre, vers 14 heures et découvrent le camp au flanc d'une colline. A la vue du nuage de poussière, les soldats goths, sans leur cavalerie, se portent en avant du cercle de chariots en criant. Ils brûlent les champs avec du bois sec pour augmenter la soif des Romains.

Fritigern, en infériorité numérique et pour gagner du temps, veut reprendre les négociations. Il propose d'échanger des otages, Richomer se charge des négociations dont la durée énerve les légionnaires qui se sentent en position de force. Aussi ils engagent spontanément la bataille par des Scutaires Archers de la garde impériale, dirigés par Bacurius, sur le flanc gauche ennemi, les Goths sont sortis en masse et faute de soutien hormis deux faibles divisions d'auxiliaires, les Romains sont repoussés. Le reste de l'armée romaine est jusque là resté immobile, mais voyant que leurs compagnons reculent, les soldats de l'aile gauche de l'armée romaine monte à l'assaut et atteignent le cercle des chariots.

Mais c'est alors que venant de derrière la colline, arrivent les cavaliers gothiques, rappelés par Fritigern. Cette cavalerie, composée de Greuthinges, d'Alains et de Huns, conduite par Saphrax et Alathée, balaie tout, la cavalerie romaine ne tient pas, les cavaliers numides aptes aux escarmouches, non plus. Les Romains n'ont pas disposé d'éclaireurs autour du champ de bataille et sont surpris. Les cavaliers goths ont sans doute approché en suivant le lit de la Tundra, à peu près à sec, sans soulever de nuage de poussière. Les clibanarii, cavaliers lourds, couverts d'armures, qui ont contre-attaqué avec succès, se retrouvent seuls près des chariots, environnés par les cavaliers ennemis.

Les fantassins goths soutiennent leur cavalerie et les clibanarii romains sont mis hors de combat. La cavalerie gothique prend les légionnaires à revers et les empêche de manoeuvrer. Les Romains sont criblés de traits. Les Batavi laissés en réserve s'enfuient. L'empereur Valens se réfugie chez les Lanciarii Seniores et les Mattiarii Juniores (infanterie lourde), qui résistent un moment. Mais la pression et l'épuisement du aux charges de cavalerie répétées, sont tels que ceux qui le peuvent déroutent, tandis que sur l'aile gauche, les légionnaires sans espoir de clémence de la part des Goths, combattent furieusement jusqu'à l'anéantissement. L'empereur se réfugie derrière le reste de cavalerie de l'aile gauche. Selon Ammien Marcelin, Valens est mort en combattant, d'une flèche ennemie. Mais selon un témoin anonyme cité par Ammien, il se serait réfugié, blessé dans une ferme proche avec ses gardes du corps et quelques eunuques et se barricadent. Un des Romains tire une flèche depuis l'étage sur les Goths qui furieux incendiént la ferme et tous périssent. De toute façon, personne n'a pu reconnaître l'empereur parmi les victimes de la bataille. Les cavaliers maîtres du terrain massacrent les fuyards tant qu'il fait jour n'épargnant pas ceux qui se rendent. Mais la nuit étant noire les Romains survivants peuvent fuir.

Les conséquences de ce désastre.

Dans l'immédiat, Rome déplore la perte des deux tiers de l'armée que l'empereur a constituée en limitant au maximum les troupes sur les frontières en particulier vis à vis des Perses Sassanides qui vont reprendre la main en Arménie. La mort de Trajanus et de Sebastianus ainsi que de trente cinq tribuns est aussi au bilan. Et puis l'empereur est mort sans héritier. Mais l'empereur d'Occident Gratien fait un choix judicieux en la personne de Théodose.

Plus tardivement c'est l'avènement de la cavalerie, reine des batailles ! Et la cavalerie lourde anticipe la chevalerie. Pour l'armée romaine, la proportion de cavalerie s'accroit et comporte beaucoup de barbares, les Huns et les Sarmates en particulier. Le rapport de forces entre Romains et Wisigoths est inversé, Théodose n'a pas les moyens de faire autre chose que de traiter avec eux.

Les Chrétiens nicéens qui haïssent l'empereur font remarquer que cet empereur hérétique est tué par des barbares qui professent la même hérésie. Les païens accusent la nouvelle religion d'avoir déclenché la colère des dieux. Le rétheur grec Libanius conclut ainsi :

"Si l'ennemi les a vaincu ... c'est à cause de la colère que les dieux ont conçue contre nous."

Quant à l'avis des Ariens, nombreux dans l'Empire d'Orient, il ne nous reste très peu de textes.

Cette défaite est un traumatisme pour le monde grec et romain. Pour Ammien Marcellin, c'est la fin de l'Empire romain. En fait, c'est militairemement aussi grave que la bataille de Cannes. Mais, en une période où l'armée romaine connaît des difficultés dans son recrutement et ne dispose pas de réserves, la perte de tant de soldats professionnels accélère la barbarisation de l'armée.


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