Il y a au moins 50 000 ans, une vague de chasseurs-cueilleurs, se
répand dans l'actuelle Indonésie, qui est en partie
rattachée à l'Asie et forme un plateau continental,
nommé Sunda. La mer est plus basse qu'aujourd'hui de 100
à 150 mètres. Cette extension du continent asiatique
va jusqu'à Bali. Ensuite l'archipel des petites îles
de la Sonde est traversé, en navigant sur des radeaux en
bambou, franchissant des espaces marins de 30 kilomètres
au maximum. Mais arrivés sur l'île de Timor, il
reste environ 90 kilomètres pour rejoindre le continent
Sahul que forment l'Australie, la Tasmanie et la Nouvelle
Guinée. Ce sont probablement les plus anciens navigateurs du
monde ! A titre de comparaison c'est à peu près la
distance à parcourir entre la Corse et le continent.
Parcours des premiers habitants de l'Australie (wikipedia)
L'exploration de la Nouvelle Guinée et de
l'Australie se poursuivent, l'archipel Bismarck est découvert
vers - 35 000, la Tasmanie semble atteinte vers - 30 000 et l'île
de Buka des îles Salomon vers - 26 000. En - 13 000, l'île
de Manus, dans l'archipel de l'Amirauté, distante de 240
kilomètres des Bismarck est habitée ainsi que les
plus grandes îles du Pacifique occidental. C'est le maximum
atteint avec des moyens de navigation assez limités. A titre
de comparaison, en Méditerranée Occidentale, la
navigation la plus ancienne de l'Italie à la Corse, par
l'île d'Elbe, commence vers - 7 000, et représente une
cinquantaine de kilomètres. Ces arrivées de
chasseurs-cueilleurs continuent jusque vers - 8 000, au moment
où le niveau de la mer (Wallacea) et la température
remontent. En Australie, les hommes ont découvert une faune
particulière composée de marsupiaux
végétariens énormes qui sont autant de proies.
Ainsi les Sthenurus, hauts de 3 mètres, les Diprotodons
qui atteignent la taille d'un rhinocéros, des crocodiles
géants qui peuvent mesurer sept mètres, des varans de
belle taille, tels le Megalania qui a disparu vers - 40 000. En
Nouvelle Zélande, se trouvent les moas, oiseaux géants
atteignant 3,60 mètres de haut et 300 kilogrammes tel le
Dinornis. Les premiers indigènes d'Australie utilisent des
javelots, soit tout en bois, soit terminés par une pointe de
pierre fixée avec de la cire ou de la résine. Le javelot
est souvent plongé dans des éléments putrides pour
enflammer les blessures. Pour augmenter la portée de cette arme,
ils utilisent un propulseur. Le boomerang est utilisé comme arme
dans la partie orientale de l'île. Mais les Aborigènes
sont les seuls à ne pas utiliser l'arc. Pendant la
dernière glaciation, le climat devient plus froid et plus sec.
Vers - 4 000, le niveau de la mer est revenu à une situation
proche de l'actuelle, la Nouvelle Guinée, l'Australie et la
Tasmanie sont séparées depuis - 8000 environ, le
continent asiatique est désormais séparé par des
bras de mer d'au moins deux cents kilomètres et depuis Timor
jusqu'à l'Australie, il y a plus de 500 kilomètres
à franchir. L'évolution de ces populations est à
présent séparée. En Nouvelle Guinée, sur
les Hautes Terres, les habitants développent l'élevage du
porc et une horticulture complexe depuis - 7 000 environ, en
particulier dans les marais d'altitude de Kuk, bien drainés.
Au 4ème millénaire, la poterie apparaît en
Nouvelle Guinée. En Australie, les ressources de la chasse
sont telles que les aborigènes restent durablement
chasseurs-cueilleurs,
comme les Japonais de l'époque Jômon.
Au 3ème millénaire, une deuxième vague de migrants
arrivent par l'ouest en Nouvelle Guinée. Ce sont les
Austronésiens, venus en pirogues à balanciers depuis les
côtes de Chine et de Taiwan, chassés par quelques
envahisseurs, ils sont venus par les Philippines et les
Célèbes. A ces Austronésiens s'ajoutent pour
découvrir les îles du Pacifique, des habitants de Nouvelle
Guinée dont on peut chiffrer la proportion par les études
génétiques menées par le professeur Bryan Sykes
à 20% de la population polynésienne. Les Canaques
abordent la Nouvelle
Calédonie vers - 2850. Ils apportent la technologie
néolithique et en particulier un outillage en pierre polie. Ils
sont également potiers. Et ces tessons ornés de
décors pointillés caractéristiques de la culture
Lapita sont disséminés sur une grande surface,
sur toutes les îles qu'ils ont abordées. Elle
apparaît aux îles Tonga et Samoa vers la fin du 2ème
millénaire.
Tesson de poterie Lapita
La
conquête des îles
Sur des pirogues à double coques nommées pahi, pouvant
atteindre 60 mètres, reliées par un plancher atteignant
30 mètres de long, cent personnes, voir le double, peuvent
prendre place avec des animaux, des arbres à planter et
même un feu permanent sur du sable. La place est comptée.
Les marins austronésiens connaissent parfaitement les vents, du
moindre souffle aux plus violents et les considèrent comme des
dieux, ils se repèrent avec les étoiles, la Lune, le
Soleil, le sens de la houle, les oiseaux qui permettent
d'apprécier la distance des terres. On suppose que des
éclaireurs les précèdent sur des pirogues à
balancier et voile. Ils partent de la côte nord de la Nouvelle
Guinée, droit vers l'Est et atteignent bientôt les
Îles
Salomon. Et peu à peu, toute la Mélanésie est
peuplée mais ces terres ne suffisent pas à nourrir ces
populations jeunes qui se développent rapidement alors il faut
continuer. Ce sont les îles Vanuatu (Nouvelles
Hébrides), la nouvelle Calédonie, les Îles Fidji
qui sont tour à tour colonisées vers le milieu du
deuxième millénaire. Ces colonies sont installées
au bord de l'eau et regroupent en moyenne deux cents habitants. En
poursuivant leur "route", ces découvreurs atteignent les
îles Tonga, vers - 1 300 et Samoa vers - 1 000. Toutes ces
îles font
partie de la culture Lapita.
Carte de la proche Océanie avec l'Australie et la Nouvelle
Guinée à gauche (données Google Earth)
Et là, ces explorateurs entrent dans le grand triangle de la
culture polynésienne formé par le point au Nord
Hawaï, à l'Ouest la Nouvelle Zélande et à
l'Est les îles de Pâques. L'avancée est lente car en
progressant vers l'Est, ils rencontrent des vents et des courants
contraires, dix mois par an. Ces trois destinations sont atteintes au
cours du 1er millénaire de notre ère. Entre temps les
Marquises sont atteinte vers le IIIème siècle, les
île Hawaï vers 500, les îles de Pâques au milieu
du 1er millénaire et la nouvelle Zélande quelques
siècles plus tard.
Pahi tahitien, double coque, 17 à 23 mètres de long
origine : http://www.janesoceania.com/
Comment s'est passé cette colonisation des îles ?
Prenons l'exemple d'une île au Nord des îles Fidji
nommée Cikobia ou Thikombia. Cette longue bande de 10
kilomètres sur 2, est colonisée vers le 9ème
siècle avant notre ère, par un petit groupe venu en pahi.
Ils s'installent dans un lieu propice, protégé des vents
dominants et de la forte mer et bien entendu, à proximité
de ressources alimentaires et d'eau douce. Ici, c'est sur la côte
sud de l'île, l'endroit est protégé par un lagon.
Des tessons de poterie Lapita confirment cette occupation ancienne.
Dans les siècles suivants, la population s'accroît
naturellement et s'
installe dans d'autres sites de l'île. La pêche trop
intensive dans le lagon a fait disparaître des gros coquillages
de même que la chasse continue a éliminé beaucoup
d'espèces d'oiseaux. Les insulaires ont détruit par le
feu une grande part des forêts pour confectionner des champs
horticoles. L'occupation de l'île se poursuit au premier
millénaire de notre ère, dans des endroits moins
favorables, des champs sont établis. Cette île est
occupée en permanence depuis sa découverte jusqu'à
nos jours et des fortifications défensives sont
édifiées sur des promontoires surélevés
comme le pic Caukaci à l'ouest de
l'île, au cours du deuxième millénaire. Des
envahisseurs Tongiens ont été arrêtés sur
ces fortifications. Ce sont pas moins de 8 sites fortifiés qui
défendent cette petite île ! Des murs allant
jusqu'à 5 mètres de haut, ont été
retrouvés, surplombant une haute falaise. Certains forts
ont comme principale fonction la protection des points d'eau, cette
ressource étant assez rare sur l'île.