La
situation de l'Empire romain d'Orient à la mort d'Anasthase
1er (518)
Au Vème siècle, l'Empire romain d'Orient* a su
faire face aux barbares qui menaçaient les Balkans et a
réussi à se débarasser des officiers
barbares qui commandaient l'armée tout comme en Occident, en
s'appuyant sur les Isauriens, solides montagnards anatoliens.
Même si la rive sud du Danube est souvent occupée,
le territoire de cet Empire est intact et les impôts rentrent
régulièrement. L'armée s'adapte
à ses nouveaux ennemis en prenant modèle sur les
archers de cavalerie huns, mais dans l'Empire, ils sont
cuirassés. Le principal danger pour cet Empire c'est la
division religieuse qui progressivement sépare la Syrie et
l'Egypte influencées par le monophysisme, une seule nature
(divine) pour le Christ, du reste de l'Empire où
prévaut le concile de Chalcédoine , (double
nature humaine et divine du Christ).
* Le terme byzantin est une création du XVIème
siècle pour marquer en Europe de l'Ouest, la
différence entre l'Empire romain d'Occident et cet
état grec, mais au VIème siècle et
même jusqu'à la fin, les principaux
intéressés se nomment eux-mêmes,
Romains.
Justin
1er le Grand (518 - 527)
Solidus représentant Justin 1er en 518
Humble porcher de Dardanie, région de la province
d'Illyricum au sud de l'actuelle Serbie, qui a fui une invasion
barbare, pour se réfugier à Constantinople,
Flavius Iustinus entre dans l'armée au milieu du
Vème siècle et combat par exemple les hommes de
Vitalien ainsi que les Perses. Il gravit les échelons
jusqu'à devenir le commandant des Excubitores, les gardes du
Palais en 518. Il est élu par le Sénat, empereur
le 9 juillet 518. Son neveu Flavius Petrus Sabbatius participe beaucoup
aux affaires de l'état, c'est ainsi qu'il accueille le Pape
Jean 1er à Constantinople. Justin est en effet un partisan
de l'orthodoxie religieuse et un de ses premiers édits*
condamne les ariens ce qui irrite beaucoup Théodoric. Le roi
Goth demande au pape de négocier l'annulation de cet
édit mais en vain.
*En fait Justin ne sait pas écrire et pour signer les actes
officiels, on lui a incisé une planchette en bois dans
laquelle l'empereur suit le tracé des lettres qui forment
son nom.
Justin admet la suprématie romaine en matière de
religion, et il réussit à réconcilier
l'Empire et la papauté en 519. Le pape Hormisdas envoie
à Constantinople des légats, chargés
de terminer le schisme, qui soutenus par l'empereur, font sentir leur
autorité avec rigueur, souvent même avec
brutalité. Par l'intimidation, la terreur même,
ils soumettent, exigent et obtiennent que tous les
évêques monophysites soient
déposés, que le patriarche de Constantinople
signe une déclaration d'orthodoxie, que les noms des
patriarches "hérétiques", avec ceux des empereurs
Zénon et Anastase, soient rayés des tables de
marbre qui perpétuent le souvenir des chefs de l'Eglise et
des souverains.
Pendant dix-huit mois, les légats utilisent le
zèle de l'empereur dans sa lutte contre le monophysisme. La
répression, dans les provinces, est une véritable
persécution. Le patriarche d'Antioche,
Sévère, est déposé en
même temps qu'une cinquantaine
d'évêques, les couvents sont occupés
par les troupes, les religieux expulsés, un grand nombre
d'entre eux massacrés, et ceux qui survivent ne trouvent
d'asile qu'en Egypte, en certaines régions de Syrie, de
Palestine et d'Arménie, où les fugitifs se
regroupent, pour affirmer leur foi dans l'unité de la
personne divine
En faisant triompher l'orthodoxie par l'expulsion des
hérétiques, l'empereur a
désarmé Vitalien. N'ayant plus aucune raison
avouable de se révolter contre le pouvoir, il se borne
à en solliciter les faveurs, avec succès. Et,
honoré du titre de consul, il essaie de regagner par
l'intrigue ce qu'il ne peut plus emporter par la violence. Ses
ambitions sont évidentes, il veut à la mort de
l'empereur, barrer la route à Justinien, et se faire
proclamer. Quand, en 520, il est très
opportunément assassiné, il ne fait aucun doute
que Justinien a ordonné ce
meurtre.
La reprise
de la guerre contre les Perses
Sur le plan militaire, Justin essaie garder des relations
apaisées avec la Perse tout en l'encerclant de ses alliés Arabes
ou Axoumites mais en 526 la
guerre
d'Ibérie éclate quand le souverain sassanide
propose à Justin d'adopter son fils. La réponse
proposée par le questeur Proculus et transmise par le
général Hypatius, neveu d'Anastase et le Patrice
Rufin à la conférence de paix n'est pas
diplomatique : "l'empereur n'adopte pas les barbares par une charte
mais par les armes." Les Perses se sentirent profondément
vexés.
La guerre éclate dans le Caucase, quand Gourgenes, le roi
d'Ibérie, se met sous la protection de Constantinople;
lorsque le roi Kavadh veut convertir de force les chrétiens
au Zoroastrisme. Justin tente d'engager les Huns de
Chersonèse contre les Perses, mais c'est un
échec. Ensuite, Justin envoie une faible armée
dans la Lazique (la région de Batoum sur le bord de la mer
Noire). Le roi perse envoie une forte armée en
Ibérie qui chasse Gourgenes dans la Lazique et prend au
passage plusieurs forteresses sur la frontière. En
réponse, Justin envahit la
Persaménie et la Mésopotamie. En 527, tandis que
les deux armées se livrent une guerre d'escarmouches, les
Perses insistent auprès de Constantinople pour obtenir des
fonds.
Le
règne de Justinien (527 - 565)
Le 1er août 527, l'empereur Justin meurt. Il a reconnu son
neveu Flavius Petrus Sabbatius comme son fils adoptif,
renommé Iustinianus (Justinien) dès 525. Le
nouvel empereur issu d'une famille modeste d'Illyriesns
romanisés, est prêt à gouverner. Son
oncle lui a permis d'avoir la meilleure éducation et tout au
long de son règne lui a laissé beaucoup
d'initiatives. Justinien a été nommé Patrice
puis Consul en 521. Il a d'ailleurs célébré son
consulat par des jeux et des spectacles tels que Constantinople n'avait
jamais vus. En 527, il a quarante cinq ans et il est un fervent catholique.
Au printemps 528, les Byzantins alliés
aux Ghassanides, attaquent les Lakhmides, alliés
des Perses. Pendant l'été 528,
Bélisaire, en train de bâtir une forteresse
à Mindon, près de Dara, est soudain assailli par
une armée perse de 30 000 hommes dirigée par
Xerxès, le fils de Kavadh. Il ;s'échappe de
justesse, mais les Perses détruisent la place. La
même année Justinien contracte une alliance avec
les Hérules du roi Grete qu'il a établis sur le
Danube.
Ruines de la cité fortifiée de Dara
Le 21 mars 529, Mundhir, le roi arabe lakkmide de Hira, vassal des Perses Sassanides envahit la Syrie. Il s’avance jusqu’à Antioche. En avril, Bélisaire est nommé magister militum pour l'Orient par l'empereur Justinien, qui veut reprendre l'initiative en réorganisant
ses forces. Pendant ce temps, Hermogène, envoyé par Justinien pour négocier la paix avec les Perses, arrive à Antioche le 12 mai. Le roi Kavadh Ier rejette ses propositions en juillet. En juin, la révolte samaritaine embrase la Palestine (il y a 100 000 victimes, dit Procope de Césaré). Elle est étouffée par le roi des Ghassanides Al-Harith, allié de Byzance, qui capture vingt mille enfants, vendus comme esclaves.
En juin ou juillet 530 les Byzantins conduit par Bélisaire rencontrent les Perses à la bataille de Dara. Cet engagement débute par des volées de flèches venant des archers perses. Ensuite, les lanciers et les cavaliers lourds perses chargent les flancs de l'armée byzantine. La cavalerie byzantine recule devant ces charges que les archers montés huns recrutés par Bélisaire, exploitent pour mieux encercler ces cavaliers ennemis. La cavalerie perse est vaincue et en conséquence les fantassins perses battent en retraite. Prudemment, Bélisaire ne les poursuit pas.
Le même été 530, malgré la
défaite de Dara, l'armée perse progresse dans le
Caucase, soumet l'Ibérie et envahit la Lazique. Le souverain
sassanide Khavad Ier envoie une armée de 30 000 cavaliers,
dans les provinces arméniennes, sous domination romaine,
commandée par le général Mermeroes
(Mihr-Mihroe). Cette armée, selon Procope, est
composée d'une majorité de
Persarméniens, de Sunitaes du Caucase et de 3000 Huns
Sabiris. L'armée byzantine comprend la moitié de
l'effectif de l'armée perse et est commandée par
Sittas le magister militum pour l'Arménie et par
Dorothée. Dès que l'armée perse est
repérée, Sittas envoie deux espions, l'un au nom
de Dugaris est capturé mais l'autre réussit
à s’échapper er rapporte des
informations précieuses qui permettent de lancer rapidement
une attaque surprise sur le camp perse. Les barbares
effrayés par cet assaut imprévu
n’opposent pas de résistance mais fuient comme ils
peuvent. Les Romains, après avoir
éliminé un grand nombre d’ennemis et
pillé le camp, se retirent rapidement.
Le but de Mermeroes est de prendre la cité de Satala et il
se prépare à l'assiéger,
installé dans son camp qu'il a établi
à Octava, à cinquante six stades de la
cité. Mais Sittas est sorti de Satala avec un millier de
soldats et s'est installé sur des collines autour de la
cité. Le reste de l'armée, sous le commandement
de Dorothée, défend Satala et dissimule aux
Perses son faible effectif. Quand le lendemain, l'armée
perse s'approche de la cité pour l'investir, Sittas et son
détachement sort des collines en soulevant beaucoup de
poussière. Mermeroes, ne pouvant estimer le nombre des
soldats de Sittas au dessus de lui, rassemble ses forces et se dirige
vers Sittas. Mais Sittas a envoyé un détachement
vers Satala et les Romains reprennent courage et Dorothée
effectue une sortie sur les arrières de l'armée
perse. Attaquée des deux côtés,
l'armée ennemie, plus nombreuse, résiste
efficacement et le combat est morcelé en
différents compartiments, avec des avances et des reculs
soudains des cavaliers. Mais Procope nous précise qu'un chef
de cavalerie romain, Florentius le Thrace, chargeant au centre de
l'armée ennemie, réussit à capturer
l'étendard de bataille de Mermeroes.
Bien que Florentius soit mort peu de temps après, le fait de
plus voir l'étendard de bataille entraîne une
grande confusion et la panique puis la retraite chez les barbares qui
quittent le champ de bataille en désordre et se replient sur
le camp, ayant subi de nombreuses pertes. Le lendemain,
l'armée perse retourne à Persarmenia sans
encombre. Mais cette victoire est significative pour les Romains car
elle est suivie de la défection des Persarméniens
Narsès et Aratius qui ont combattu les Romains auparavant et
qui rejoignent le camp romain. Cette campagne se termine par la prise
ou la reddition de forteresses importantes comme Bolum et Pharangium
où se trouve une mine d'or. En août Kavadh
reçoit les envoyés de Justinien, Rufin et
Hermogène, les négociations de paix commencent
à l'automne mais n'aboutissent pas.
Au printemps 531, une armée perse dirigée par
Azarethes, franchit la frontière au Circesium, au confluent
de l'Euphrate et du Chaboras et se dirige vers le nord. Elle comprend
15 000 soldats Perses et 5000 cavaliers Lakhmides. Bélisaire
les suit avec une force de 5000 cavaliers Romains et 3000 cavaliers
Ghassanides commandés par le roi Al Harith.
Bélisaire a laissé le reste de son
armée pour défendre Dara. Bélisaire
recevant les renforts conduits par Hermogène, dispose d'une
force de 20 000 soldats. Il peut ainsi forcer l'armée perse
à se retirer. Et Bélisaire suit
l'armée ennemie sans intention de livrer bataille. Mais les
soldats romains en particulier les Isauriens, réclament le
combat et Bélisaire ne pouvant les convaincre du contraire
et craignant une mutinerie, se résigne et prépare
son armée pour le combat, le 19 avril 531.
La disposition qu'il choisit est singulière, il place son
aile gauche, de l'infanterie, contre le fleuve Euphrate, ses
alliés Ghassanides sur l'aile droite et au centre, il
dispose plusieurs rangées de cataphractes (cavaliers
cuirassés). Azarethes divise ses forces en deux groupes de
même taille en plaçant l'infanterie devant la
cavalerie. Les combats durent les deux tiers de la journée,
avec des volées de flèches et des charges de
cavalerie, les pertes sont importantes des deux
côtés. Puis, soudain, un escadron
d'élite perse secondé par les cavaliers
Lakhmides, traverse le flanc droit tenu par les Ghassanides, avec une
telle force que ces derniers s'enfuient.
Bélisaire est obligé de reformer sa ligne et fait
reculer ses troupes, mais les Perses les suivent et bientôt
l'armée romaine est pressée contre la rive du
fleuve. Là, sur la grève, les Romains tiennent
bon et résistent aux charges des Perses tout en faisant
passer les soldats de l'autre côté du fleuve, en
bateau. Bélisaire tient tête aux attaques ennemies
et les pertes s'accumulent des deux côtés. Enfin
l'armée romaine a traversé l'Euphrate et Azarethes
choisit de ne pas poursuivre et de revenir vers l'Est. Procope
accuse les Ghassanides d'avoir trahi mais Al-Harith gardera son
commandement et restera actif dans toutes les guerres contre les
Perses.
Bélisaire est donc battu par le général
perse Azarethes à la bataille de Callinicum en Syrie, et
il est démis de son poste, mais Azarethes est relevé
de son commandement pour avoir subi de trop lourdes pertes et
négligé de prendre Antioche. L'offensive perse en
Syrie est brisée. Pendant l'été de la
même année, les Romains prennent quelques forts
en Arménie. Immédiatement après
l'échec de Callinicum, les négociations
menées par Hermogène échouent. Le 8
septembre, Kavadh Ier, malade, désigne son fils
Khosroes Ier pour lui succéder. Khosroes assure son
pouvoir en faisant assassiner ses frères et neveux.
Pour cela il signe une trêve de trois mois avec les
Romains.
Les pourparlers de paix reprennent au printemps 532. En septembre,
après sept ans de guerre, le nouveau roi des Perses,
Khosroes 1er signe un traité de paix éternelle
avec Justinien assorti du paiement d'un important tribut annuel (11 000
solidi d'or par an) par les Byzantins, pour l'entretien des forteresses
du Caucase et le paiement du tribut que paient les Perses aux Huns
Hephtalites. Les Romains récupèrent celles de la
Lazique, l'Ibérie reste dans les mains des Perses, mais les
Ibères qui avaient quitté leur pays sont
autorisés à demeurer sur le territoire romain, ou
à retourner dans leur pays natal.Suite de la guerre contre les Perses
La
révolte Nika 532
Justinien signe volontiers ce traité car il lui laisse les
mains libres pour déployer ses forces en Occident. Il songe
à reconstituer l'empire Romain en entier et effacer un bon
siècle d'invasions barbares. Mais surtout il a vaincu la
révolte dans la capitale qui commence en janvier 532. Tout
commence le 11, une émeute a lieu à l'hippodrome
de Constantinople, les Verts insultent l'empereur, son
épouse Théodora et Jean de Cappadoce et quittent
l'hippodrome pour se répandre en ville.
On s'attaque aux bâtiments qui par leur richesse symbolisent
aux yeux de la foule, l'ordre social qu'il faut abattre. L'empereur
qui est présent à la course de chars, fait
exécuter sept meneurs chez les Verts et par erreur un
dirigeant des Bleus qu'il a favorisés jusque là.
Le 13 janvier, les Bleus et les Verts demandent ensemble, la
clémence de l'empereur, en vain et, après
l'annulation des courses de la journée, une nouvelle
émeute éclate avec pour slogan "Nika", (la
victoire). Le Prétoire, puis le Palais et Sainte Sophie
sont incendiés, les entrepôts impériaux sont
pillés, les soldats et fonctionnaires sont tués.
Les jours suivants l'émeute continue, le cirque est
incendié le 14 et la foule exige le renvoi de Jean de
Cappadoce, de Tribonien et d'Eudémon qui sont
remplacés. L'empereur cède enfin mais c'est trop
tard, l'émeute est devenue une véritable
insurrection. Les incendies font rage. Le 18 janvier, Justinien
proclame une amnistie mais Hypatios, un neveu de l'empereur Anastase,
est acclamé empereur par la foule. La situation semble
désespérée, Justinien est prêt
à fuir mais Theodora relève son courage par
un discours dont voici la fin :
"Tu peux t'enfuir César, si tu le veux : tu as de l'argent,
des vaisseaux, la mer est proche. Mais, dis-toi bien que si tu
abandonnes ton palais, tu perdras bientôt la vie. Quant
à moi, je m'en tiens, à cette vielle maxime
que j'aime : "La pourpre est le plus beau linceul!"
Et Justinien fait front. Narsès réussit à acheter les chefs des Bleus et à les faire renoncer à l'insurrection. Bélisaire rentre d'une campagne à la frontière perse. Avec l'aide des Bleus, de Mundus le magister militum d'Illyrie, des
généraux Narsès et Jean l'Arménien, il rétablit l'ordre. Ces vieux soldats aguerris ne sont pas effrayés par
la supériorité numérique des émeutiers.
Ils se jettent sur ces bandes qui ont la stupidité d'aller se réfugier dans l'hippodrome. Dans ce lieu dont on ferme les issues, c'est un
véritable carnage, trente mille rebelles restent étendus sur le sable. Le 19 janvier, Hypatios est exécuté. L'ordre est rétabli et l'autorité impériale, plus solide que jamais. Les ministres écartés sont rappelés et les jeux publics sont suspendus.
Le premier théâtre d'opération extérieure est l'Afrique vandale. Justinien choisit
cette destination en raison du changement de politique des souverains vandales vis à vis des Chrétiens. En effet les persécutions
de Genséric ne sont plus qu'un souvenir sous les souverains suivants Hunéric et Thrasamund qui essaient d'amener par la douceur les
Romains résidents en Afrique à l'arianisme. Mais Gélimer a usurpé le trône de son cousin Hilderic qui s'est converti
au catholicisme et qui entretient de bonnes relations avec Justinien et c'est la raison qu'invoque l'empereur pour faire la guerre.
Mais une autre raison a joué, Justinien envisage d'intervenir en Italie et la flotte vandale peut gêner cette campagne. Quand il consulte à propos de cette expédition en Afrique, les Patrices et les Sénateurs, les avis sont négatifs, la "prouesse" de Basiliscus est évoquée, les dépenses considérables pour une entreprise au succès douteux, les difficultés d'une si longue navigation et l'insalubrité du climat, tout est bon pour rejeter le projet. Même Jean de Cappadoce supplie l'empereur de ne point envoyer à une mort certaine l'élite de l'armée pour risquer le salut de l'Empire écrit Procope.
La conquête de l'Afrique vandale 533
Justinien hésite, c'est alors qu'un évêque prend la parole :
"Dieu m'est apparu, il vous ordonne par ma voix de vous armer pour la défense des catholiques. Je vous annonce en son nom la victoire, il
ajoutera l'Afrique à vos vastes Etats. " A ces mots toute opposition cesse, la guerre est décidée. C'est Bélisaire qui est
désigné pour commander l'expédition qui comprend 15 000 soldats dont 10 000 fantassins, la moitié romains, la moitié
fédérés et 5 000 cavaliers, dont 1 500 bucellarii, les cavaliers de Bélisaire, 3 000 cavaliers, moitié romains, moitié fédérés complétés par un millier d'archers de cavalerie (600 huns et 400 hérules). La flotte qui prend la direction de l'Afrique du Nord, comprend 500 transports escortés de 92 dromons et manoeuvrés par vingt mille marins. Justinien
s'est entendu avec le gouverneur de la Sardaigne, Goddas qui met Gélimer en difficulté en se révoltant contre le souverain vandale. Gélimer, ignorant les projets de Justinien, envoie la plus grande partie de la flotte (120 vaisseaux) et l'élite de l'armée vandale (5 000 hommes) sous le commandement de son frère Tzazon. Pendant ces évènements, dit Procope, Pudentius, un citoyen de Tripoli pousse les habitants à la révolte contre les Vandales et demande à l'empereur quelques troupes pour tenir la cité. Justinien envoie un capitaine nommé Tattimath avec qui Pudentius, en l'absence des Vandales soumet toute la Province à l'empire. Gélimer déjà mobilisé par la Sardaigne ne réagit pas.
Dromon byzantin du Xème siècle
La flotte romaine ne rencontre pas de navires vandales et reçoit en Sicile du ravitaillement des Ostrogoths en vertu d'un traité conclu entre Justinien et la reine gothe Amalasonthe. Procope qui fait partie de l'état major de Bélisaire est envoyé à Syracuse pour s'informer sur les dispositions que les Vandales ont pu prendre contre l'expédition. Procope trouve un compatriote qui lui apprend que Gélimer ne s'attend pas à une attaque sur Carthage, qu'il a envoyé l'élite de l'armée vandale en Sardaigne et qu'il
se repose à Hermione, en Byzacène, à quatre journées de la mer. La flotte pilotée par ce compatriote, débarque les troupes près d'une cité nommée Caput-Vada (Ras Kapoudiah) à une centaine de kilomètres au sud d'Hadrumète (Sousse). En dehors des troupes envoyées en Sardaigne, les meilleures unités de cavalerie vandale montent la garde vers les Monts Aurès, aux limites ouest du royaume.
La bataille d'Ad Decimum septembre 533
Gélimer, surpris par l'arrivée de Bélisaire rassemble des milices urbaines et se dirige vers les Romains. La rencontre a lieu à dix miles au sud de Carthage, Ad Decimum, Gélimer dispose de 11 000 guerriers, il se trouve face à l'armée de
Bélisaire, installée sur une bonne position sur la route de Carthage. Gélimer conçoit un plan adapté à sa situation d'infériorité numérique. Il choisit un défilé près d'Ad Decimum, partage sa troupe en 3 contingents pour envelopper les envahisseurs. Le premier d'environ 2 000 soldats, est confié à son frère Gibamond, pour bloquer l'armée de Bélisaire à gauche, le deuxième, de même effectif, est commandé par Ammatas, un autre frère de Gélimer, pour les arrêter dans le défilé, le reste de l'armée sous la direction de Gélimer, arrive par
l'arrière et le côté droit est limité par la mer. Ce plan est simple et efficace, il rappelle
le plan d'Hannibal au lac Trasimène, mais pour que cela fonctionne, il faut tenir l'ennemi enfermé et agir de façon coordonnée.
Mais Ammatas est trop pressé, en sortant de Carthage, il
part avec un escadron de 150 cavaliers, en donnant l'ordre à
ses fantassins de le suivre, ce qu'ils vont faire par petits groupes de
vingt ou trente hommes. Il arrive bien avant l'armée romaine
mais rencontre l'avant garde ennemie, composée de 600 gardes
à cheval, conduite par Jean l'Arménien et
aussitôt la charge. Le combat est violent et selon Procope,
Ammatas tue lui même 12 soldats romains. Mais il est
criblé de flèches et meurt rapidement. Ses hommes
effrayés par la mort de leur chef, fuient et sont poursuivis
jusqu'à Carthage et beaucoup sont tués. Gibamond
ne tient pas face aux Huns et aux Romains qui dispersent ses hommes, il
est tué dans le combat.
Gélimer, ignorant le sort de ses frères, continue
d'avancer sur la route vers le gros de l'armée de
Bélisaire et la cavalerie vandale, bien que moins nombreuse,
met les cavaliers auxiliaires fédérés
de Bélisaire en déroute. L'autre corps de 800
gardes romains dirigé par Uliaris est également
repoussé. Les Vandales sont en train de remporter le combat!
Mais Gélimer arrive à la position où
Ammatas est mort et sa vue le bouleverse. Il est incapable de donner le
signal pour un dernier assaut qui écraserait les
éléments dispersés de
l'armée romaine. Gélimer arrête de se
battre et procède à l'inhumation de son
frère sur le champ de bataille. Bélisaire en
profite, il regroupe ses soldats et lance attaque contre les Vandales
en désordre et les vainc.
Gélimer entraîne son armée vers la
Numidie où il a des alliés Berbères et
dresse son camp près de Bulla Regia. Bélisaire
refusant de camper près de Carthage, fait dresser le camp
près du champ de bataille. Le lendemain, il marche sur
Carthage en avertissant bien les soldats de ménager les
habitants dorénavant citoyens romains. Carthage ouvre ses
portes, l'armée de Bélisaire est bien accueillie.
Bélisaire installe la flotte dans l'actuel lac de Tunis,
pour se protéger d'une éventuelle
tempête.
Pendant que Gélimer reste à plus de 150
kilomètres à l'ouest de Carthage,
Bélisaire remet en état les défenses
de Carthage en prévision d'un siège à
venir et ajoute de nouvelles défenses, ainsi il fait creuser
autour de la cité un large fossé et ajoute de
nouvelles tours. Ces travaux sont effectués en deux mois par
les soldats et les marins aidés par la population de
Carthage. Et effectivement Gélimer fait revenir les troupes
envoyées en Sardaigne qui ont d'ailleurs rétabli
la souveraineté vandale. Et bientôt
l'armée vandale vient camper près de l'aqueduc
qui alimente Carthage. Pendant ces trois mois, Gélimer a
fait rentrer quelques hommes dans la cité pour dissuader les
Huns qui les ont malmenés dans la première
bataille et cette démarche rencontre un certain
succès. Bélisaire ne reste pas dans la
cité, il a reçu de Constantinople des renforts en
particulier une division de cataphractaires, (cavalerie
cuirassée) et il se porte au devant des Vandales avec son
armée pour livrer la bataille de Tricamarum à
environ trente kilomètres de Carthage. La
bataille de Tricamarum (appelée aussi
Tricaméron) hiver 533
Le 15 décembre 533, Bélisaire sort de Carthage en laissant les Huns dont il se méfie, en queue de colonne. L'armée vandale est renforcée par les troupes d'élite que Tzazon a ramenées de Sardaigne, plus une division de cavalerie numide tenue en réserve, soit en tout vingt deux milles hommes. Gélimer leur a défendu la lance et le javelot et donné l'ordre de n'utiliser que les épées. Un petit ruisseau sépare les deux armées. L'infanterie romaine distancée par les cavaliers de Bélisaire n'a pas encore rejoint le lieu du combat. Dès le début de la bataille, Jean l'Arménien, sur l'ordre de Bélisaire, traverse le cours d'eau avec un petit nombre de cavalies d'élite et charge les fantassins vandales au centre. Il est repoussé et poursuivi par Tzazon, il se
replie vers son corps d'armée. Les Vandales s'arrêtent au ruisseau. Jean recommence avec un plus grand nombre de cavaliers et fait une seconde charge qui est repoussée, il se replie à nouveau vers l'armée romaine et Procope écrit :
"saisissant la bannière impériale, il emmène cette fois ci toute la garde de Bélisaire, il s'élance avec des menaces et des clameurs terribles et attaque l'ennemi pour la troisième fois. Les Vandales soutiennent vigoureusement le choc et la mêlée devient
terrible." Les Vandales les plus braves tombent et parmi eux Tzazon. Toute la cavalerie romaine s'ébranle, franchit le ruisseau et attaque.
Le centre de l'armée vandale plie, tous les barbares lâchent pied. Les Huns voyant la victoire romaine se dessiner, se joignent aux vainqueurs dans la poursuite des fuyards et les Vandales rentrent rapidement dans leur camp. Bélisaire ne compte pas les forcer et son armée retourne à son camp. Les pertes se montent à cinquante soldats chez Bélisaire et huit cents hommes chez Gélimer. Puis l'infanterie rejoint le général romain et avec toute son armée, il repart vers le camp des Vandales. Gélimer voyant l'armée romaine avancer vers lui, saute sur son cheval et part vers la Numidie avec quelques proches, sans laisse d'ordres.
Bientôt tous les Vandales s'enfuient et quand les Romains arrivent au camp, il est désert mais riche d'un butin en or et en argent. Les Romains ramassent ces richesses et se mettent à la poursuite des fuyards. Bélisaire fait son entrée à Hippo Regius, la deuxième cité importante du royaume. Gélimer tente de fuir vers l'Ibérie retrouver les Vandales qui n'ont pas suivi Genséric. Mais les Romains conduits par Pharas d'Hérulie, l'empêchent de partir et il finit par se rendre comme ses partisans en mars 534.
Bélisaire organise l'Afrique conquise sur les Vandales en
une préfecture du prétoire, elle même
divisée en cinq provinces en 534, avec Archelaos comme
préfet du prétoire d'Afrique et Solomon comme
gouverneur militaire. Bélisaire est
dénoncé à l'empereur par certains de
ses collaborateurs comme un personnage risquant de se proclamer
souverain indépendant en Afrique. "Il s'assoit sur le
trône de Gélimer et y rend la justice comme un roi
et il se lie par des traités d'alliances avec les Maures de
l'Aurès et de Tripolitaine". Justinien méfiant,
donne le choix à son général, tout en
le félicitant pour ses victoires, de retourner à
Constantinople ou de continuer sa mission en Afrique.
Bélisaire n'a jamais pensé à se
révolter contre l'empereur, et prévenu par sa
femme, des calomnies qu'on colporte à Constantinople,
décide de les éteindre en rentrant au plus vite.
Bélisaire vient de recevoir 4 000 bons soldats
dirigés par de bons officiers par exemple le Thrace
Hildiger. Il part pour Constantinople avec Gélimer et sa
famille, quinze mille prisonniers vandales et les trésors
nombreux accumulés par Genséric.
La popularité de Bélisaire dans la capitale est
telle que Justinien décide de lui accorder le triomphe ce
qui n'est pas arrivé depuis longtemps. Mais
Bélisaire triomphera à pied et non sur un char et
il terminera la procession en venant rendre aux souverains un solennel
hommage ! Le cortège part de la Corne d'Or, suit la Voie
Triomphale pavée de marbre, défile entre le forum
de Constantin et le forum d'Auguste et après une
dernière halte devant Ste Sophie où le Patriarche
prend la tête de la procession, le cortège
pénètre dans l'Hippodrome où il est
salué par la clameur de plus de cinquante mille spectateurs
enthousiastes. Dans ce cortège, un butin magnifique, des
centaines de coffres pleins de pièces d'or ou d'argent, des
sacs de joyaux, de la vaisselle d'or et d'argent, des bijoux, les produits du
célèbre sac de Rome par Genséric.
Il y a aussi
les Vases sacrés des Hébreux, enlevés
par Titus au Temple de Jérusalem et
apportés à Rome. Gélimer fait partie
du triomphe de Bélisaire et après
s'être étendu par terre face à
l'empereur, le pied de ce dernier sur sa tête, il prononce
ces mots célèbres: "Vanités, tout
n'est que vanité". Justinien épargne
Gélimer et le laisse finir ses jours, exilé en
Galatie dans les domaines qu'il a reçus, vers 560. Les
Vandales sont soit réduits en esclavage, soit
intégrés dans la cavalerie romaine.
L'Afrique du Nord semble redevenue romaine. Dès le
départ de Bélisaire, les Berbères se
révoltent, en Byzacène conduits par
Iabdas et en Numidie sous le commandement de Cutzinas.
Solomon est victorieux des deux révoltes en 534. Durant la
Pâques 536, le 23 mars, les soldats ariens de Carthage, sous
la conduite de Stotzas, se mutinent contre Solomon. La
révolte a pour but de fonder un état
indépendant gouverné par les mutins. Stotzas
marche sur Carthage avec 8 000 soldats rejoints par un millier de
Vandales et quelques esclaves évadés. Ils
assiègent Carthage qui résiste sous le
commandement de Théodore qui est prêt à
se rendre quand Bélisaire, revenu de Sicile avec un seul
bateau et cent soldats, intervient et sa seule présence fait
fuir les révoltés. Mais selon Procope, la
majorité de la garnison romaine a suivi Stotzas dans sa
fuite en Numidie.
Bélisaire doit retourner rapidement en Sicile et Justinien
envoie Germanus en Afrique. Germanus réussit à
gagner beaucoup de révoltés en payant les
arriérés de soldes et en promettant le pardon. En
conséquence Stotzas décide de marcher contre lui
au printemps 537. Les deux armées se rencontrent
à Veteres Scalas et Stozas abandonné, est battu.
Les Berbères vont continuer à lutter contre les
Romains d'Orient, en particulier Antalas qui a
déjà vaincu les Vandales sous Hildéric
dans la région de Gafsa. Il remporte contre les nouveaux
maîtres de l'Afrique, une bataille en Byzacène et
en 544, il vainc Solomon près de Theveste où ce
dernier est tué en combattant. Stotzas est vaincu et
tué en automne 545 à la bataille de Thacia et
Anthalas est battu à son tour par Ioannes Troglita en 547 ou
548, au champ du Cato près de Sufetula. La paix est revenue.
Les guerres gothiques
Justinien prépare l'intervention en Italie. La reine Amalasonthe qui entretient de bonnes relations avec l'empereur et parle aussi bien en latin qu'en grec, négocie en secret, pendant l'été 534, avec l'ambassadeur impérial, le Sénateur Alexandre, la cession de l'Italie à l'empereur, alors qu'officiellement il vient pour se plaindre de l'accueil des déserteurs Huns par les Ostrogoths "avec l'assentiment de la reine". Mais elle est arrêtée sur l'ordre de Théodat puis exilée dans une île du lac
Bolséna, en Toscane, le 30 avril 535. Un nouvel ambassadeur est envoyé de Constantinople, l'avocat Pierre de Thessalonique et nous avons trois versions de ce qui reste un mystère.
Selon l'histoire officielle, Pierre apprend par les envoyés de Théodat, que celui-ci a du faire arrêter Amalasonthe mais qu'elle est traitée avec tous les égards à Valone sur le golfe Ionique et l'avocat attend des ordres de Justinien.
Selon les Anecdota de Procope, (connus aussi sous le nom d'Histoire secrète), Pierre est chargé par l'impératrice de faire
disparaître Amalasonthe. Procope évoque la grande beauté de la reine qui doit ensuite vivre à Constantinople et le caractère inconstant de Justinien. Procope, dans ses Anecdota, écrit :
"Pierre alla en Italie, avec une diligence extraordinaire et il excita Théodat, par je ne sais quels moyens, à tuer Amalasonthe." Et pour le général L.M. Chassin* :
"La vengeance de Théodora était mortelle et elle récompensait royalement ceux qui la servaient fidèlement. C'est pourquoi on peut penser que Pierre fit dire secrètement à Théodat et à Godelive sa femme, qui était elle aussi amie de
Théodora, qu'ils pouvaient se débarrasser d'Amalasonthe sans risquer une réaction grave du côté byzantin".
*L.M. Chassin, auteur de "Bélisaire généralissime byzantin (504 - 565)"
Et dans l'Histoire des Goths du même Procope, Pierre arrive après la mort d'Amalasonthe et voyant que Théodat faisait de grands honneurs aux coupables, il l'avertit que Justinien prendrait les armes pour venger un crime si atroce.
La reine Amalasonthe est bien étranglée dans son bain en 535. Justinien utilise ce prétexte et sait qu'il aura l'appui de l'Eglise catholique. Justinien envoie une ambassade chez les rois des Francs pour négocier une alliance contre les Ostrogoths. Il donne l'ordre à Mundus, le magister militum de l'Illyricum, d'occuper la province gothique de Dalmatie, et envoie Bélisaire officiellement en Afrique mais en fait, en Sicile, à conquérir si l'affaire se présente bien, sinon à Carthage pour attendre les ordres. Il part avec peu de soldats sous ses ordres, 7 000 Romains, 500 alliés dont des Vandales.
Il conquiert la Sicile rapidement et ne rencontre de résistance sérieuse qu'à Panormus (actuellement Palerme). Bélisaire est à Syracuse le 31 décembre. Mais il est retardé par la révolte de Stotzas en Afrique et il débarque à Rhegion en février 536, prend Neapolis, (Naples) par surprise, en novembre 536. Entretemps, Théodat
contesté pour sa manière de faire la guerre, est déposé puis assassiné par Vitigès qui s'empare du pouvoir. Pendant ce temps, Mundus, le magister militum de l'Illyricum, occupe la province gothique de Dalmatie, prend la cité de Salone en juin 535 et mobilise des forces gothes. Mais Salone est reprise par les Ostrogoths en janvier 536 et Mundus est tué.
Carte illustrant les premières phases des guerres gothiques
(source wikipedia)
Justinien envoie le nouveau magister militum d'Illyrie, Constantianus
reprendre la Dalmatie. Le général gothique Gripas
qui occupe Salone l'abandonne en raison de l'état des
fortifications et de l'attitude de la population, favorable aux
Romains. Constantianus entre dans Salone, fait reconstruire ses
murailles et sept jours plus tard l'armée gothe se replie en
Italie. A la fin de juin 536, toute la Dalmatie et la Livurnie sont
occupées. L'avance rapide de Bélisaire surprend
les Goths et il entre dans Rome dont les portes sont ouvertes par ordre
du Pape, le 9 décembre 536. Il entreprend aussitôt
de réparer les murailles et ajoute une seconde muraille
à main gauche pour éviter que ses soldats ne
s'exposent, de flanc, aux traits des assiégeants.
Bélisaire entasse tout le blé qu'il a fait venir
de Sicile et oblige les citoyens à ramener dans Rome, les
provisions qu'ils ont à la campagne. Ayant
fortifié les voies qui mènent à Rome
par une tranchée jusqu'au Tibre, Bélisaire confie
à Constantianus une compagnie de ses Gardes et d'autres
troupes pour ramener à l'obéissance de
l'empereur, l'Etrurie. Spolète et Pérouse sont
bientôt pourvues de garnisons romaines. Vitigès
envoie aussitôt cette nouvelle transmise, de nombreuses
troupes commandées par Unilas et Pissas contre
Pérouse qui sont battues aux abords de la cité,
les deux chefs goths sont envoyés à
Bélisaire. De la même façon Bessas est
envoyé à Narni qu'il conquiert.
Vitigès, monté à Ravenne,
épouse Matasuntha, la fille d'Amalasonte, regroupe ses
forces contre l'invasion et il conduit une grande armée vers
Rome. Bélisaire, dont les troupes sont bien moins
nombreuses, ne peut combattre les Goths en plaine, il est
resté dans l'Urbs*. Vitigès commence le
siège de Rome, il va durer un an.
Monnaie à l'effigie de Vitigès
Le siège de Rome par
Vitigès (537-538)
Les Ostrogoths coupent les quatorze aqueducs qui alimentent Rome.
Bélisaire ne reste pas inactif dans Rome et il fait quelques
sorties hors les murs. Au cours de l'une d'elles, effectuée
de nuit, alors qu'il veut rentrer dans la Ville par la porte Pinciana,
les Romains, inquiets et ayant entendu dire que Bélisaire
était mort, ferment cette porte avant que ce dernier ne
rentre avec les troupes qui restent près de lui. Alors
Bélisaire se retourne et avec ses soldats bat les Goths
essoufflés qui les poursuivaient. Beaucoup de citoyens de la
Ville sont transformés en combattants mais comme dit Procope
de Césarée : "c'étaient des gens incapables
de soutenir le choc de l'ennemi et qui avaient fort souvent
tourné le dos". Tous les moyens de défense
même improvisés sont utilisés. Ainsi
après que Vitigès a envoyé des ambassadeurs
pour inciter les Romains à sortir de Rome et que
Bélisaire a répondu un jour que jamais il ne
rendra Rome aux Ostrogoths tant qu'il aura un souffle de vie,
l'action commence avec des tours, hautes comme les murailles,
convoyées par des boeufs ce qui inquiète les
citoyens, mais Bélisaire se met à rire en voyant
avancer les tours. Stupeur sur les remparts, Bélisaire
donne l'ordre de tirer à l'arc sur les boeufs et
bientôt les tours sont immobiles.
Vitigès voyant cela, laisse un grand nombre de soldats pour
occuper Bélisaire et décide avec plus de soldats
d'attaquer une autre partie de cette longue muraille.
Vitigès vise un point plus faible appelé le
Vivarium, proche de la porte Prenestine, ainsi que la porte Amelis,
proche du tombeau de l'empereur Hadrien. Constantianus a la charge de
garder cette porte dont le tombeau plus haut que les murailles,
constitue comme une tour protectrice. Comme le Tibre coule à
cet endroit, il est difficile d'y passer et Bélisaire y a
laissé peu de soldats, ne disposant que cinq mille guerriers
pour toutes les murailles de la cité. Constantianus, averti
de l'attaque des Goths, se précipite vers les assaillants
qui sont déjà trop proches pour les atteindre avec
des balistes et sont équipés de grands boucliers
qui les protègent efficacement des flèches tout en
criblant les défenseurs de traits. Ces derniers sont
effondrés et voient les ennemis prêts à
monter sur les échelles vers eux. Alors en cassant les
statues, ils se procurent des projectiles efficaces de haut en bas,
et font reculer les Goths. Les assiégés reprennent
courage et avec de grands cris, lancent toutes sortes de projectiles
sur les assaillants qui sont tout à fait repoussés
maintenant que les balistes redeviennent efficaces. Constantianus
arrivant à ce moment là, donne la chasse aux Goths
qui ont traversé le Tibre.
La famine dans l'armée de Vitigès et
l'arrivée d'une flotte romaine dans le Tibre l'obligent
à lever le siège en mars 538. Il se replie
à Ravenne et déploie une activité
diplomatique intense. Vitigès noue une alliance avec les
Perses et signe un traité avec les Francs par lequel il
s'engage à donner les territoires qu'il contrôle
au nord des Alpes, de la Narbonnaise deuxième au Norique en
échange d'une aide contre l'empire d'Orient.
Enfin; en avril 538, les renforts arrivent à Firmum non
loin d'Ancône sur la mer Adriatique, emmenés par
l'eunuque Narsès, nouvel homme de confiance de Justinien,
pour aider et surveiller Bélisaire. En effet Justinien
craint que Bélisaire ne devienne empereur d'Occident !
Et, selon Procope, les Goths ont offert à ce
général de le faire empereur d'Occident.
Bélisaire peut passer à l'offensive ! Il envoie
Mundila avec un corps de troupes, débarquer à
Gênes et délivrer Mediolanum (Milan) et
Narsès libérer Ariminum (Rimini) qui est
assiégé par les Goths. Mais les
désaccords entre Bélisaire et Narsès
commencent et Mundila est envoyé à Ariminum
tandis que les habitants de Mediolanum sont défendus par
une garnison de 800 hommes et assiégés par Uraia et
30 000 Goths depuis neuf mois auxquels se sont joints 10 000
Burgondes. Les citoyens de Mediolanum sont exterminés, les
citoyennes sont livrées comme esclaves aux Burgondes et la
cité est rasée jusqu'au sol selon Ferdinand Lot.
A l'automne, Bélisaire prend Fiesole et Osimo qui ont subi
sept mois de siège, puis il assiège Ravenne.
La conquête du nord de l'Italie est longue et difficile.
Vitigès a organisé la résistance et la
rivalité entre Bélisaire et Narsès ne
simplifie pas les choses. L'arrivée en Ligurie de plusieurs
dizaines de milliers de Francs, cent mille selon Procope, sous la
direction de leur roi Thiodoberkht (brillant dans le peuple) plus
connu sous le nom de Théodebert, complique la tâche des
belligérants. En effet, ils sont bien accueillis, comme des
alliés, par les Goths mais ils ne tardent pas à
piller tout, y compris le camp des Goths. Les Goths fuient vers Ravenne
et sont poursuivis par les Francs. Tout le monde arrive au camp des
Romains et les Francs mettent les Romains en déroute et
détruisent totalement leur camp. La Ligurie et l'Emilie sont
bientôt ravagées et l'été 539 arrivant,
les Francs souffrent de dysenterie (en ayant bu l'eau du Pô)
et perdent le tiers de leurs soldats.
Bélisaire écrit à Théodebert pour
lui reprocher leur comportement. Inquiet, Théodebert donne
l'ordre de la retraite et en chemin ravage Gênes. Ravenne est
assiégé par l'armée de Bélisaire et la
flotte romaine depuis l'hiver 539. Enfin en mai 540, Bélisaire
faisant semblant d'accepter la proposition singulière des Goths,
"être leur empereur", entre à Ravenne et Vitigès
est capturé. Justinien croit la conquête de l'Italie
terminée, il restaure la préfecture d'Italie et prend
le titre de Gothicus puis il réduit les effectifs militaires
en Italie, il va bientôt le regretter. Bélisaire remplace
le pape Sylvère, faussement accusé de complicité
avec les Goths par le diacre Virgile, nomme Fidelius préfet
du prétoire et emmène Vitigès et des dignitaires goths à
Constantinople.
Bélisaire rentre à Constantinople au moment
où le nouveau souverain perse Khosroes 1er,
encouragé par les ambassadeurs envoyés par
Vitigès, lance une invasion de la Syrie à
l'improviste en 540 et s'empare d'Antioche, incendie la
cité et emmène en captivité les habitants
vers Ctésiphon, selon Procope. Déjà en
539, le chef lakhmide Mundhir a lancé un raid contre
les Ghassanides, alliés des Romains, suite à une
querelle de pâturages mais le phylarque Al Harith ibn Jabalah
envahit le territoire de Mundhir et en rapporte un riche butin.
Cette attaque sert aussi de prétexte à Khosroes
pour justifier la rupture de la paix. Une nouvelle guerre
débute pour Bélisaire, ponctuée
d'incursions des Perses dans les provinces frontalières.
Bélisaire pratique par contre-attaques. Au printemps 541,
Justinien envoie Bélisaire et une armée de 15 000
hommes dont les troupes du phylarque Al Harith, en direction de
Nisibe qui est capturée en automne. Puis toujours en 541,
les Ghassanides conduits par leur phylarque et 1 200 Romains
commandés par Jean le Glouton et Trajan font un raid en
Assyrie selon les ordres de Bélisaire et c'est un franc
succès assorti d'un beau butin. Pendant ce temps, Chrosoes,
que le roi des Lazes, Gubaxes a appelé,
pénètre dans la Laxique et le 21 juin, la forteresse
de Petra sur le Pont Euxin est prise et un protectorat perse est
institué.
Le front perse
Puis la peste bubonique venue d'Egypte, commence à frapper
la région et atteint Constantinople en 542. Au printemps
542, Khosroes, à la tête d'une armée de
cent cinquante mille soldats, comprenant des Huns blancs, a pour
objectif Jérusalem. Il attaque l'Euphratène et la
Commagène et envoie 6 000 Perses assièger
Sergiopolis (actuellement Resafa en Syrie). Cette cité
défendue par 200 soldats, refuse de se rendre et son
évêque Candide doit à Khosroes deux
cents pièces d'or pour la libération de mille
deux cents prisonniers faits à Soura en 540. Khosroes a
juré de se venger cruellement de cette cité de
Sergiopolis ! La cité assiégée est sur
le point de céder à l'ennemi quand un chef arabe
chrétien avertit les Romains que les assiégeants
ont épuisé leurs réserve d'eau.
Effectivement deux jours après Khosroes léve le
siège. Bélisaire rassemble toutes les troupes
disponibles soit douze mille hommes dont dix mille cavaliers, et les
concentre à Europus (Karkemish), au Nord de la Syrie. A ce
moment là Khosroes attaque Barbalissus et craignant
d'être coupé de la Perse par
Bélisaire, arrête son offensive vers la Palestine
et décide d'aller reconnaître l'armée
romaine. Il envoie à Bélisaire un ambassadeur, le
Perse Abandanès, chargé officiellement de
reprendre les négociations de paix interrompues et en
réalité de lui rendre le compte exact des forces
romaines.
Bélisaire averti de cette visite, décide de faire
une manoeuvre d'intoxication. Il sort d'Europus, avec six mille hommes
choisis pour leur physique, traverse l'Euphrate et s'installe sur une
colline proche. Tous ces soldats sont dépourvus d'armes
lourdes et de cuirasses, vêtus uniquement de leurs tuniques
de lin, de caleçons flottants et de sandales, munis d'arcs,
de haches ou de lances comme s'ils étaient en partie de
chasse. Abandanès rencontre des Maures, puis des Vandales
qui manifestent leur attachement à Bélisaire et
déclarent qu'ils sont de sortie, à la chasse et
à l'entraînement avec un petit détachement
de l'armée restée au camp d'Europus devant lequel
l'ambassadeur peut apercevoir des escadrons de cavalerie
arménienne. En le conduisant à Bélisaire,
le Perse rencontre des Huns, des Goths et près de la tente,
des Illyriens et des Thraces peu intéressés par sa
venue.
En présence du général, dans la
même tenue que ses hommes et très
détendu, l'ambassadeur fait la commission de Khosroes : " le
César romain n'avait pas envoyé les ambassadeurs
promis, ce qui l'a obligé d'entrer sur ses terres, toutes
négociations semblant rompues."
Ce qui obtient la réponse suivante de Bélisaire :
"'C'est vraiment là une curieuse façon d'agir.
J'ai combattu dans bien des pays et je connais les coutumes. En
général, quand quelqu'un se trouve
offensé, il commence par demander réparation et
il ne prend les armes que si on lui refuse. Votre maître, au
contraire, commence par envahir le territoire du voisin avec 200.000
hommeset c'est ensuite qu'il propose une conférence de paix.
Vous pourrez lui dire que j'accepte de discuter avec lui dès
qu'il aura évacuer notre territoire. Je suis prêt
à lui accorder un délai de cinq jours pour
repasser l'Euphrate, délai pendant lequel je promets de ne
pas l'attaquer." Puis il congédie l'ambassdeur et va
s'entraîner à la course avec ses soldats.
Une partie du front perse avec Europus
Rentré au camp de Khosroes, Abandanès dissuade le
Grand Roi de poursuivre sa route vers l'ouest, son adversaire est le
chef d'une armée extrêment nombreuse, ses soldats
venant de tous les pays de l'univers sont parmi les plus magnifiques,
les plus disciplinés et le plus courageux que j'ai
rencontrés. Tous dévoués
jusqu'à la mort à leur
général, ils forment une troupe des plus
redoutables avec laquelle je ne vous conseille pas d'entamer la lutte.
Ce rapport fait beaucoup réfléchir Kosroes qui
reçoit en même temps la nouvelle que la peste a
atteint la Palestine et qu'elle se répand avec la plus
grande vitesse vers le nord. Effrayé, Kosroes abandonne son
raid sur Jérusalem et repasse rapidement sur la rive gauche
de l'Euphrate pour rentrer en Perse. En chemin, il envoie à
Bélisaire un message disant qu'il attend les ambassadeurs
romains. Le général répond que les
envoyés de Justinien seront bientôt à
la cour du Grand Roi. Khosroes promet de rentrer dans son pays sans
attaquer de ville romaine si on lui envoie un otage pour garantir la
parole du général romain. Bélisaire
lui envoie le fils d'un des citoyens les plus riches d'Edesse. Kosroes
rentre en Assyrie en suivant l'Euphrate. Mais sur son chemin, il trouve
Callinicum, mal fortifiée et sans défense, il
l'enlève facilement au mépris de la parole
donnée.
Par sa présence, son astuce et grâce à
la position stratégique qu'il a prise, Bélisaire
a sauvé la Palestine. Comment en est il
récompensé ? Très mal ! La peste
depuis mai 542, a fait à Constantinople des gros
dégâts, en quatre mois, elle emporte plus de trois
cent mille personnes. Le palais impérial est atteint et
l'empereur aussi. La nouvelle parvient à l'armée
d'Orient et les officiers discutent longtemps de la
probabilité de sa mort, et de
l'éventualité de sa succession. Il est peu
probable que Bélisaire dont on connait la loyauté
et l'esprit d'obéissance militaire ait
proféré des paroles dangereuses. Mais deux de ses
adjoints, Pierre et Jean le Glouton, dès que la
santé de Justinien se rétablit, envoient au
Palais des rapports sur le comportement des grands chefs,
Bélisaire et Butzès. Ils les accusent d'avoir
déclaré "que si les Romains à
Constantinople faisaient choix d'un empereur, ils ne permettraient
jamais son intronisation."
Il est probable que ces paroles s'appliquent à une prise du
pouvoir par Théodora qui est prise d'une extrême
fureur. Bélisaire, Butzès et tous les
généraux d'Orient sont convoqués
immédiatement à Constantinople, ils sont
accusés de haute trahison. Butzès est le plus
chargé, il aurait déclaré qu'il
n'obéirait jamais à Théodora qu'il
considérait comme un véritable monstre". Sans
savoir si cette accusation est exacte, Théodora le fait
jeter dans un cachot, où il reste dans les
ténèbres pendant deux ans et quatre mois. Quand
il sortira, sa santé est si ruinée qu'il mourra
rapidement.
Bélisaire ne peut être convaincu de la moindre
faute. Il se défend avec noblesse et habileté,
montre les contradictions de ses accusateurs peu dignes de foi.
Malgré tout, Justinien, sur les instances de
Théodora, prend contre lui, des sanctions très
sévères. Il est relevé de son
commandement, donné au général Martin.
Sa garde personnelle lui est enlevée, sa fortune est
entièrement confisquée par
l'impératrice. Et Procope dit ; "Justinien lui interdit
d'une manière absolue le commerce de ses amis et de tous
ceux qui ont servi sous ses ordres."
Bélisaire se résigne alors qu'on attend qu'il se
révolte. Puis alors qu'il est mal reçu au Palais,
il reçoit un courrier de Théodora qui lui annonce
qu'il est pardonné grâce à sa femme
Antonine. Mais sous le prétexte que sa fortune vient des
dépouilles de Gélimer et de Vitigès,
elle ne lui rend qu'une faible part de ce qui lui a
été confisqué, et pour lier encore le
général la fille unique de Bélisaire
et d'Antonine, Joanina, âgée de onze ans, est
fiancée, au neveu de l'impératrice, Anastase
Longues Jambes.
Depuis le pseudo complot des généraux, Justinien
vit dans la crainte d'une conspiration. Et il ne laisse à
Martin, le nouveau magister militum per Orientum que des forces peu
importantes. Au printemps 543, il décide d'envahir
la Persarménie avec la plus grande armée qu'on
ait vue sous son règne, soit 30 000 hommes, il la divise
en quinze corps indépendants les uns des autres et
quinze généraux à égalité
de pouvoir ! Ils envahissent et pillent la Persarménie
sans défense puis ils tentent de s'emparer de la place
forte d'Anglon qui garde Dvin. Mais Anglon est défendue
par Anabedh (Nabédès), un fameux officier perse.
Mal commandés, mal organisés, les Romains subissent
une terrible défaite et paniqués, ils s'enfuient
jusqu'au territoire romain. Seule la peste empêche
Khosroes de poursuivre les généraux vaincus.
Bélisaire propose à l'empereur ses services pour
rétablir la situation et Justinien le méfiant
refuse, craignant que si Bélisaire réussit
là où les autres généraux
ont échoué, sa popularité et son
prestige recommencent à grandir. Nommé comes
sacri stabuli (équivalent de grand écuyer mais
inférieur à magister militum),
Bélisaire supplie chaque jour de lui redonner un emploi
à sa mesure.
.
Khosroes met le siège, en 544, devant Edesse qui
résiste héroïquement et finalement se
retire, le mois suivant, "acheté" par les
défenseurs, mais dévaste la Mésopotamie.
Cette guerre gêne Justinien alors que Totila
défait en Italie l'oeuvre de Bélisaire.
L'empereur est heureux de payer pour arrêter la
guerre. Des négociations à Ctésiphon
se terminent par une trêve de 5 ans, en 545, pour
la Syrie et la Mésopotamie, garantie par un tribut
annuel de 2 000 livres d'or, versé par Constantinople
mais Khosroes a exclu de cette trève le pays des
Lazes et les alliés Ghassanides et Lakhmides peuvent
s'affronter.
Suite de la guerre contre les Perses
Totila
entre en scène (542 - 552)
En Italie la situation évolue rapidement. Totila, un
membre de la famille du porte glaive de Théodoric le Grand,
est élu roi des Ostrogoths après le
départ de Vitigès pour Constantinople. Il est fin
politique et un bon chef de guerre qui sait galvaniser ses troupes.
Politiquement, il met de son côté les
déshérités en libérant des
esclaves et en distribuant des terres aux paysans. Ses talents
militaires s'affirment quand les troupes impériales,
commandées par les généraux
Constantianus et Alexandre, s'additionnent pour prendre la
cité de Vérone dont ils parviennent à
capturer une porte. Les Goths réussissent à la
reprendre et à chasser les Romains. Plus tard, Totila
affronte victorieusement une armée romaine
supérieure en nombre à Faventia (actuellement
Faenza en Emilie-Romagne), en 542. La bataille de Mucellium (542)
Totila tout de suite après cette victoire, envoie des
troupes pour attaquer Florentia (aujourd'hui Florence), Justin, le
commandant de la cité, n'a pas prévu ce qu'il
faut pour tenir sous un siège. Il demande du secours aux
autres chefs militaires de la région, Johannes, Bessas et
Cyprien qui viennent avec leurs troupes au secours de la
cité. Avant qu'ils
n'arrivent, les Goths se replient au nord en levant le
siège, près de Mucellium (actuellement Mugello).
Les Romains les poursuivent, les troupes de Johannes menant la marche.
Soudain, ils sont attaqués par les Goths depuis une colline.
Le bruit court que leur officier est mort et dans la panique, les
soldats refluent vers les autres troupes romaines qui viennent
à la suite. La panique est communiquée aux
suivants et bientôt, toute l'armée romaine se
disperse en désordre. Les officiers s'enfuient, Bessas vers
Spolète, Justin retourne à Florentia, Cyprien
à Pérouse et Ioannes à Rome. Les
Ostrogoths font de nombreux prisonniers qui sont bien
traités et même incités à
rejoindre l'armée de Totila.
Totila évite le combat au centre de l'Italie, trop
défendu et poursuit son offensive contre des troupes
romaines éparpillées et mal
coordonnées au sud de la péninsule tout en
laissant des garnisons dans les villes qui sont reprises. Il
s'arrête devant Naples dont il fait le blocus. Justinien, las
de l'inaction de ses officiers, envoie dans une flotte, un corps
composés de Thraces et d'Arméniens qui
débarque en Sicile. Mais le nouveau commandant peu
expérim enté, laisse partir ces secours par
petits paquets et tardivement. Ils sont interceptés par la
flotte de Totila qui croise dans la baie de Naples. Les habitants de
cette cité demandent une trêve et promettent de
livrer la place si aucun secours n'arrive dans le mois. Totila leur
accorde trois mois et il a raison, dans ce délai, Naples
n'est pas secouru. Totila prend Naples le 21 mars et détruit
les fortifications. Cette politique est efficace, car Totila prend la
cité de Bénévent et l'ensemble de la
Grande Grèce (la Lucanie, le Brutium, les Pouilles et la
Calabre) se soumet et lui fournit dorénavant le
résultat de ses impôts. Totila selon Procope, se
déplace rapidement et tient la campagne, il reconquiert peu
à peu l'Italie.
A Constantinople ce n'est qu'en 543 que Bélisaire regagne
quelque faveur. On a besoin du général, la
situation n'est pas bonne, Et pas seulement en Italie, en Afrique, une
révolte maure se répand très vite et
en Orient les affaires vont mal. Justinien envoie Bélisaire
en 544, mais avec quatre mille soldats sans expérience, pas
d'argent et toujours sans le titre de magister militum.
Totila voulant éviter un bain de sang, s'adresse directement
au peuple de Rome, mais nul soulèvement spontané
n'a suivi ce message. Au début de
l'été 544, il remonte vers Rome sans savoir
que Bélisaire navigue vers l'Italie. Totila
assiège Rome. Bélisaire arrive dans le sud de
l'Italie sans moyens et les officiers romains ont le moral en berne. Un
an après, il a repris Otrante et fait reconstruire les
défenses de Pessaro. La situation a changé
pendant son absence, les Goths restent hostiles mais la population
aussi, c'est la faute des fonctionnaires du fisc venus de
Constantinople.
Il lui est impossible, avec les forces dont il dispose de
reconquérir l'Italie. En mai 545, il confie à
Ioannes une lettre pour Justinien où il dit qu'il a
absolument besoin d'hommes, de chevaux, d'armes et d'argent. Justinien
cette fois répond et quand Ioannes revient, il est
accompagné d'une armée "considérable",
Romains et Barbares ensemble, commandés conjointement par
lui et le général arménien Isaac. A ce
moment l'armée de Totila commence le siège de
Rome. La situation est sombre, Totila contrôle tout l'espace
entre Rome et la mer et sa flotte est prête à
remonter le Tibre. Bessas, le commandant de la garnison de Rome n'a pas
fait de provisions en vue d'un siège.
Bélisaire voit que la seule issue est de gagner l'embouchure
du Tibre, d'anéantir la flotte des Goths et d'attaquer par
l'arrière les assiégeants. Pendant que Bessas
occupera les Goths par des tentatives de sortie, Bélisaire
conduira une attaque amphibie sur leurs arrières avec une
partie de l'armée, tandis que l'autre, sur 200 vaisseaux
attaquera la flotte ennemie puis ira soutenir Bélisaire.
Pendant toute cette opération, Isaac doit rester à
l'embouchure du Tibre, surveiller les réserves, les
vaisseaux restants et surtout Antonina la femme de Bélisaire
qui vient rejoindre son époux. Bessas ne fait rien pour
aider Bélisaire mais celui ci engage l'opération.
En lançant des pluies de flèches
enflammées, les vaisseaux de Bélisaire remontent
lentement, à contre-courant, le Tibre. Ils cassent la
chaîne tendue par les Goths en travers du fleuve et ils
approchent de Rome quand la nouvelle qu'Isaac est prisonnier atteint
Bélisaire. Cela ne peut signifier qu'une chose, les Goths
ont lancé une attaque surprise et lui coupent
l'accès à la mer et si Isaac est capturé,
Antonina l'est aussi! Bélisaire fait demi-tour et
découvre qu'1saac a attaqué la garnison d'Ostie
avec quelques soldats qui avaient accepté de
l'accompagner mais tout le reste, y compris Antonina, est sauf.
Une telle occasion ne peut se représenter, le destin de
Rome semble scellé.
Mais jamais la Ville ne se rendra. Dans la nuit du 17
décembre 546, quatre soldats de la garnison;,
mécontents, ouvrent la porte Asinatia par laquelle les
Goths s'engouffrent. Bessas s'enfuit comme bien des nobles romains. La
population de la Ville compte cinq cents personnes nous dit Procope. La
prise de Rome est surtout symboliquement importante. Totila fait
immédiatement une proposition de paix sur la base d'un
retour au statu quo ante, on le lui refuse. Mais après
quelques mois de combat, Bélisaire voit qu'il est dans une
impasse et décide d'en appeler à l'impératrice
pour atteindre Justinien sans interposition de quiconque. Et il charge
Antonina de cette mission. En été 548, elle part
pour Constantinople et trouve la capitale en deuil.
Théodora vient de mourir. Justinien, prostré, ne
veut recevoir personne. Tout ce qu'Antonina peut obtenir c'est
le rappel de Bélisaire, si l'échec est
programmé en Italie, que son mari n'en porte pas
le blâme. Bélisaire rentre à
Constantinople au début de l'année 549, son
bilan est positif, il a sauvé temporairement l'Italie
pour l'empire et les fondements d'une reconquête sont
posés.
Pour le moment, Totila reconquiert Rome que quatre Isauriens
mécontents de ne pas recevoir leur solde, ont
livrée aux soldats goths. Il fait construire une flotte et
conquiert la Sicile, la Corse et la Sardaigne en 549 et 550 puis les
Goths vont écumer les côtes grecques. A Rome, les
Ostrogoths semblent vouloir s'installer cette fois et les habitants
sont invités à revenir dans la Ville. Totila fait
revivre les Jeux du Cirque Maximus et préside dans la loge
impériale, ce dernier affront motive enfin Justinien.
L'empereur se décide à envoyer la plus forte
armée en Italie selon Procope, forte de vingt deux mille
hommes, qu'il place sous le commandement de Narsès qui est
maintenant septuagénaire.
La bataille
navale de Sena Gallica 551
Totila, pour éviter que Justinien fasse parvenir soldats et
matériel directement en Italie, construit une flotte de
guerre de quatre cents navires. Et pour éviter toute
surprise, il veut prendre Ancône, une des principales bases
ennemies sur l'Adriatique. Totila se retire de Sicile, avec 47 navires
fait le blocus du port d'Ancône pendant que son
armée assiège la cité qui est
prête à se rendre. Valérien qui
commande à Ravenne, ordonne à Ioannes qui est en
Dalmatie, à Salone, d'envoyer des renforts à
Ancône. Ioannes envoie une flotte de 38 navires
manoeuvrés par des vétérans qui est
rejointe par une flotte de 12 navires dirigée par
Valérien. Ces 50 navires mettent le cap sur Sena Gallica
à 27 kilomètres au nord d'Ancône,
(actuellement Senigallia).
Les deux flottes ont un effectif équivalent, les deux
commandants ostrogoths, Indulf et Gibal partent
immédiatement à la rencontre de la flotte
romaine. Le combat naval consiste à cette époque
à lancer des projectiles sur l'adversaire et le prendre
d'abordage, le temps des éperons est fini. Dans cette forme
de combat naval, la capacité de rester en formation est
essentielle. L'expérience des équipages romains
face à des adversaires inexpérimentés
leur donne un avantage considérable. Après le
début du combat, quelques navires ostrogoths sont
isolés et rapidement coulés. D'autres sont trop
serrés et ne peuvent manoeuvrer. La flotte ostrogothe
s'éparpille, Gibal est pris, 36 navires sont perdus, Indulf
fait voile avec le reste vers Ancône. Prêt du camp
de l'armée, Indulf fait échouer les navires et
les incendie. Cette défaite atteint les Ostrogoths au moral
et le siège est levé.
Narsès a obtenu la complète maîtrise de
cette campagne et il met deux ans à se préparer.
Il marche sur Ravenne, toujours aux mains des Romains, par la Dalmatie
en début d'année 552. Puis cette armée
continue vers Rome jusqu'à la Via Flaminia pendant que
Totila monte vers la Ville pour lui barrer le passage.
Narsès préfère les manoeuvres au choc.
La bataille
de Taginae 552
En été 552, dans l'Apennin, se tient la bataille
de Taginae, en Etrurie, au nord de l'actuel Gualdo Tadino.
L'armée de Narsès, forte de 30 000 hommes dont un
fort contingent de Lombards* et un autre d'Hérules et une
petite troupe de Gépides, rencontre l' armée plus
modeste, de 15.000 hommes, de Totila. L'Ostrogoth veut
négocier, Narsès accepte mais reste
méfiant. Une attaque surprise est prévue par
Totila mais Narsès n'est pas dupe. Son armée a
une disposition défensive et comprend au centre, une grosse
phalange de barbares flanquée à sa droite et
à sa gauche de troupes romaines dont 4000 archers
à pied sur chaque aile.
* Un foedus a été signé entre
Justinien et Audouin en 541 par lequel ces Lombards sont
installés en Pannonie et servent à l'empire comme
mercenaires.
Totila tente de déborder Narsès en capturant une
colline qui contrôle la seule voie vers l'arrière
de la ligne de Narsès. Mais les assauts de la cavalerie
ostrogothe ne réussissent pas à
dépasser un groupe de fantassins lourds romains. Ne
pouvant déborder son adversaire et attendant le renfort de
Teia qui arrive avec 2000 soldats, Totila essaie par tous les moyens de
gagner du temps. Ainsi il propose un champion qui n'est autre qu'un
Romain déserteur, nommé Coccas. Anzalas; un des
gardes du corps de l'empereur relève le défi.
Coccas fonce sur lui avec sa lance, au dernier moment, le cheval
d'Anzalas fait un écart et le garde du corps poignarde son
adversaire au côté. Totila lui même,
caracole entre les deux armées, jongle avec sa lance
jusqu'à l'arrivée de Teia.
Totila, alors fait reculer ses troupes et les laisse se restaurer.
Narsès, prudent, autorise ses soldats à se
rafraîchir mais en gardant leur position. Totila tente un
coup, un assaut massif sur le centre romain. Narsès fait
pivoter les archers vers le centre de telle manière que sa
ligne forme un croissant. La cavalerie de Totila, attaquant la phalange
barbare, prise sous le "feu" des archers, subit de lourdes pertes et
son choc est affaibli. En fin de journée Narsès
donne l'ordre d'une attaque générale qui prend de
flanc ce qui reste d'armée ostrogothe. Le corps de bataille
de Totila éclate et c'est la déroute pour les
Goths. Totila est blessé par un guerrier gépide
et meurt quelques heures plus tard. Les pertes de Narsès
sont inconnues mais selon Procope, 6 000 Ostrogoths ont
péri. Cette bataille est aussi connue sous le nom de Busta
Gallorum.
Les Ostrogoths ne baissent pas les bras et sous le commandement de
Teias, ils se replient vers le sud de l'Italie et leur nouveau chef
rassemble des "personnages" tels que Scipul, Gundulf et Ragnaris.
Pendant ce temps là, Narsès prend Rome au bout
d'un siège très court et met le siège
devant Cûmes. Teias rassemble les troupes disponibles pour
faire lever le siège. Narsès lui tend une
embuscade au Mons Lactarius en 553. La bataille dure deux
journées, Teias est transpercé par un javelot et
trouve la mort. Cette fois la guerre se termine mais des Ostrogoths
rescapés résistent jusqu'en 555. Narsès est
vainqueur des Francs en 554 et écrase une invasion des
Alamans près de Capoue en 555. Une nouvelle intervention
des Francs nécessite que Narsès les repousse au
delà du Pô en 561. L'Italie est conquise mais
ruinée, vingt années de guerre ont laissé
des traces.
La
conquête de la Provincia Spaniae
Pendant ce temps, l'Empire d'Orient met le pied en Bétique, cette province méridionale de l'Ibérie romaine qui est occupée par les Wisigoths. En 552, le royaume wisigoth qui comprend à l'époque presque toute l'Espagne et le Portugal actuels, est en pleine discorde. Faisons un petit retour à l'époque de la conquête du royaume vandale. En 533, Gélimer n'a pas réussi à s'allier contre Justinien au roi wisigoth Theudis. Mais ce dernier a profité de la chute de Gélimer pour occuper Septem (aujourd'hui Ceuta) afin d'éviter que cette cité ne serve de point de départ à une expédition lancée par l'empereur. Toutefois, en 534, Bélisaire a repris Septem et il n'y a pas eu d'invasion. En 540, les Wisigoths reprennent Septem mais peu de temps
après ils reperdent cette place, un dimanche, ayant déposé les armes, le jour du Seigneur, alors que les Romains attaquent. En 547, Theudis tente de reprendre Septem mais il subit une défaite et perd la vie. Et Septem est rattaché à la province de Mauritanie
seconde.
En 550, le roi des Wisigiths est Agila 1er, et il subit deux grosses révoltes. Les citoyens de Cordoue se soulèvent contre l'autorité wisigothe et l'arianisme. Agila veut punir la cité rebelle mais il subit une cuisante défaite et son fils est tué au combat. Agila se retire à Mérida. La seconde révolte, en 549 ou 551, est organisée par Athanagild, un noble qui prend Séville, la capitale de la Bétique et se proclame roi à la place d'Agila. A t il demandé de l'aide aux Romains d'Orient ?
Les sources sont contradictoires. Mais selon
Jordanès :
"Theudis a été remplacé par Agila, qui détient le royaume à l'heure actuelle. Athanagild s'est rebellé contre lui et est même maintenant provoquer la puissance de l'Empire romain. Alors Libère le Patricien est sur le chemin avec une armée pour s'opposer à lui."
Et Isidore de Séville a écrit :
"Athanagild a prié Justinien de l'aider, en automne ou en hiver de 551 à 552"
Cette expédition date probablement de 552 et l'arrivée en Espagne est en Juin ou en Juillet. Libère a débarqué "sans doute à l'embouchure de la Gualadete ou peut être à Malaga et se joignit à Athanagild pour vaincre Agila comme il marcha au sud de Mérida vers Séville en Août ou Septembre 552". La guerre se poursuit encore deux ans mais Libère rentre à
Constantinople en mai 553. Il est probable que des renforts venant de l'Italie pacifiée, ont débarqué à Carthagène en mars 555 pour rejoindre leurs collègues près de Séville. Mais le débarquement s'est fait dans l'hostilité de la
population favorable aux Wisigoths. Les partisans d'Agila, craignant les récents succès romains l'éliminent et Athanagild devient roi des Wisigoths. Le nouveau roi cherche à se débarasser des Romains d'Orient. Mais c'est un échec, les Goths ne sont pas
équipés pour les sièges de sites fortifiés.
La Provincia Spaniae dépendra de Constantinople pendant encore soixante dix ans, jusqu'à la reconquête par les Wisigoths. Cette province comprend la Bétique, la Carthaginiensis et aussi les Baléares reprises aux Vandales. De nombreuses villes côtières sont intégrées dans cette province qui ne s'étend pas loin dans l'intérieur de la péninsule. Mais sans doute cette province avait comme rôle d'éviter une invasion gothique de l'Afrique. Les deux villes les plus importantes sont Malaga et Carthagène et le fonctionnaire le plus important est le magister militum Spaniae (le maître de l'armée de l'Espagne). La Méditerranée est presque redevenue romaine.
Extensions vers l'Occident (en orange), sous le règne de Justinien
Et pendant ce temps que se passe-t-il en Orient ?
Les Bulgares menacent Constantinople en 540. Justinien réagit en envoyant contre eux, les Avars. Sur le Danube, les Huns franchissent la frontière en 540 et ravagent la Thrace, l'Illyricum et la Grèce, jusqu'à l'isthme de Corinthe, une de leurs bandes avance jusqu'aux abords de Constantinople et la panique est forte dans la capitale. En 547, les Slaves dévastent l'Illyricum jusqu'à Dyrrachium sans réaction des généraux romains. En 551, une bande de 3 000 Slaves pille la Thrace et l'Illyricum et atteint la mer Egée. En 552, les Slaves atteignent le Long Mur. Khosroes a exclu de la trêve, la Lazique, qui est une position stratégique importante ouvrant aux Perses l'accès au Pont Euxin qui menace l'empire d'Orient. Aussi Justinien fait de gros efforts pour s'y maintenir. Les Lazes mécontents de la tyrannie des Perses reviennent en 549 à Justinien.
Alors des efforts sont faits pour récupérer la forteresse de Petra. En 550, en dépit d'un succès remporté contre Khosroes, les Romains échouent devant la forteresse. Les Abasges, un peuple caucasien soumis à Constantinople, se donnent en 559 à Khosroes, n'arrangeant pas la situation pour Justinien. La guerre dure longtemps dans ce pays montagneux et boisé "parmi les tribus belliqueuses du Caucase à la fidélité changeante" comme l'écrit Charles Diehl. En 551, Bessas finit par prendre Petra et ses fortifications sont détruites et en 552, Justinien y concentre 50 000 soldats. Mais l'inefficacité des généraux romains et les relations difficiles qu'ils entretiennent avec les chefs indigènes ne favorisent pas les desseins de Justinien. Heureusement pour lui, Khosroes se lasse de cette guerre interminable. En 557, un armistice est conclu sur la base du statu quo. Et en 562, l'armistice est transformé en traité de paix de 50 ans avec la Perse, Khosroes évacue le pays des Lazes aux populations profondément chrétiennes. Le Grand Roi accorde à ses sujets chrétiens une pleine tolérance mais en contrepartie, Justinien s'interdit à l'avenir tout prosélytisme en territoire perse. Cette convention annexe est plus dure pour l'empereur que le paiement de 30 000 aurei annuels prévus par le traité principal qui par l'imprécision de plusieurs articles, contient en germe des difficultés pour l'avenir.
Suite de la guerre contre les Perses
De 534 à 562, on compte dix invasions de Slaves, de Bulgares ou de Huns. La Scythie, la Moésie, la Grèce et la Thrace sont dévastées et dépeuplées. Mais la plus dangereuse de ces attaques c'est en 559 et cette fois c'est Constantinople qui est menacée et l'empire d'Orient par conséquent. la dernière campagne de Bélisaire 559
Justinien qui payait des subsides aux Huns Kutrigurs "pour prouver sa bienveillance" à leur chef Zabergan décide un jour de ne plus continuer et de reporter ces dons sur le chef des Huns Utrigurs, Sandicle, dont l'alliance lui semble plus utile. Les deux peuples se font la guerre depuis des années et Zabergan est fort mécontent de se voir remplacé par son rival. En 558, une trêve intervient entre les deux belligérants. Zabergan décide de venger l'affront et de prouver sa puissance
à Justinien. Connaissant la faiblesse de l'armée romaine et les richesses qu'on peut trouver dans l'empire, il est animé d'un ardent désir de pillage.
En mars 559, les Kutrigurs, soutenus par quelques Bulgares et Sclavènes franchissent le Danube gelé et traversent sans obstacle la Scythie et la Mésie et atteignent la Thrace. Zabergan divise son armée en trois groupes, le premier avance vers la Grèce, le second vers la Chersonèse de Thrace et le troisième, le sien, vers Constantinople.
Le premier groupe est arrêté devant le défilé des Thermopyles par un corps de deux mille soldats réguliers entretenus par les recettes municipales depuis qu'en 540 des hordes bulgares ont forcé le passage défendu par la milice paysanne.
Le deuxième groupe ne peut franchir le mur qui barre l'isthme, le commandant romain, Germanus, fils de Dorothée, repousse tous les assauts. Les Kutrigurs improvisent et construisent rapidement une flotille de radeaux en roseau, à l'embouchure de la Maritza et tentent de tourner le mur. Germanus qui possède vingt galères à deux poupes, bat les Kutrigurs sur mer aussi.
Dégoûtés, ils se retirent.
Zabergan, plus chanceux, s'avance vers la capitale à la tête de sept mille cavaliers, rencontre une armée impériale qu'il bat et dont les deux généraux sont faits prisonniers. L'un d'eux est le neveu du Patrice Solomon, Sergius, un incapable cupide. Les Kutrigurs pillant, brûlant et abusant de la gent féminine avec entrain, s'approchent de Constantinople. Ils découvrent vite les brèches du Grand Mur consécutives au tremblement de terre du 23 décembre 557 qui ne sont pas réparées. Ils se répandent dans l'enceinte et rencontrent des troupes nexpérimentées, peu nombreuses telles les milices des Verts et des Bleus.
Zabergan bouscule ces troupes improvisées qui se replient vers Constantinople et il va camper près du bourg de Méliantiade à 30 kilomètres environ de la capitale. L'empereur n'a presque rien à leur opposer ! La valeur militaire des troupes de la garde de l'empereur a très nettement baissé en raison du commerce fructueux des dignités honorifiques y compris les fonctions de parade où il fallait autrefois avoir fait ses preuves avant d'y être admis. En outre, Justinien ne porte pas le même soin aux Balkans qu'à la Perse, l'Afrique ou l'Italie.
La population de Constantinople est très consciente du péril, l'affolement est extrême et les reconnaissances de l'ennemi jusqu'à Sycae (actuellement Galata) ou à la Porte d'Or provoquent la ruée du peuple dans les sanctuaires et le départ d'une partie des habitants de l'autre côté du Bosphore. Justinien en est très conscient aussi et il prend des décisions. D'abord il fait enlever tous les vases précieux, les tapisseries dans les églises hors de Constantinople jusqu'au Pont Euxin. Ces richesses sont gardées en partie dans la capitale et l'autre partie sur la rive asiatique.
Ensuite, il fait prendre les armes à tous les hommes capables de les porter. Mais pour la galvaniser cette armée peu redoutable, il faut un chef. Justinien se trouve forcé de rappeler Bélisaire qui depuis son retour d'Italie n'a pas eu de
grands commandements militaires. Bélisaire répond présent ce qui ranime l'espoir dans la population. Des citadins et des paysans réfugiés accourent pour servir sous ses ordres. La principale force dont dispose le général réside dans les trois cents anciens bucellaires qui ont répondu au premier appel.
Bélisaire rassemble tous les chevaux qu'il peut trouver dans Constantinople, il quitte la capitale et s'établit à Cettocome à quelques kilomètres du mur théodosien. Il y a là de nombreux paysans, il leur fait creuser un fossé autour du camp. Puis il envoie des éclaireurs situer l'ennemi et découvrir ses intentions. Enfin, il fait allumer un grand nombre de feux sur toute la plaine pour abuser les Kutrigurs sur la force réelle des impériaux. Cela lui donne le temps nécessaire pour fortifier le moral de ses troupes qui ne se souviennent que des succès "miraculeux" de Bélisaire.
Mais Zabergan, renseigné par ses coureurs sur les forces réelles des Romains, décide d'attaquer avec deux mille cavaliers ce qu'il juge amplement suffisant. Bélisaire, informé par ses espions, décide de tendre une embuscade aux Kutrigurs qui ne peuvent venir à lui qu'en traversant une forêt. Bélisaire choisit deux cents cavaliers armés de
boucliers et de javelots et les poste de chaque côté de la forêt, avec ordre de tirer puis de charger au signal convenu. Ainsi attaqués de flanc, les Kutrigurs ne pourront se déployer et tirer avantage de leur supériorité numérique. Bélisaire se met avec ses trois cents bucellaires, au centre du dispositif pour soutenir le choc. Les paysans qui sont en grand nombre reçoivent l'ordre de se tenir derrière les soldats, de crier le moment venu en faisant cliqueter leurs armes et en traînant des branches d'arbres pour faire croire à la présence d'une armée nombreuse.
Ces procédés simplistes réussirent tout à fait. Attaqués par surprise, de flanc et de face, aveuglés par la poussière, affolés par les clameurs, les Kutrigurs persuadés d'être face à une armée considérable, fuient en grand désordre sans même comme ils en ont l'habitude, protéger leur retraite en tirant des flèches. Les Romains n'ont que quelques blessés tandis que quatre cents Huns périssent dans cet engagement. Les cavaliers Kutrigurs rejoignent en désordre le camp de Méliantiade et se tailladant les joues en signe de désespoir. Craignant un nouvel assaut des Romains, ils lèvent le camp et vont se fixer au pied du mont Rhodope. Ils ne sont pas attaqués et peuvent tranquillement ravager la Thrace pendant quatre mois jusqu'au traité de paix. Pourquoi ?
Bélisaire retrouve toute sa popularité passée par cette victoire soudaine. L'empereur, méfiant, est gêné par les louanges qui s'expriment après la peur. Les courtisans, le danger éloigné, redoutent le retour en grâce de Bélisaire. Ils l'accusent de vouloir mourir sur le trône. Justinien est sensible à ces arguments qui reprennent les accusations portées autrefois par Théodora. Il préfère payer les Kutrigurs que les exterminer et rappelle Bélisaire dont il est jaloux et une fois de plus le général obéit.
Ce grand règne s'achève dans de graves difficultés financières qui provoquent une longue suite de troubles sociaux. Les émeutes et batailles entre Bleus et Verts, la misère dans les campagnes, les intrigues suscitées par la succession (Theodora est morte sans avoir donné d'enfant à Justinien), un affaiblissement significatif de l'autorité impériale, voilà le contexte des dernières années. Justinien meurt le 14 novembre 565, à
quatre-vingt-deux ans, après trente huit ans de règne, sans avoir désigné de successeur.
Justin II (565-578)
Justin, le neveu de l'empereur, le curopalate (qui le représente dans les circonstances solennelles), le mari de Sophie la nièce de l'impératrice, poussé par des Sénateurs inquiets et soutenu par les Excubitores (la garde impériale), est proclamé empereur le lendemain à l'hippodrome. Il a 45 ans et il semble peu fait pour tenir les rênes de l'empire. Pourtant il est énergique et courageux. A peine installé sur le trône, il adopte une
politique différente de son prédécesseur envers les Perses et les Barbares. Alors que l'empire leur payait 3 000
livres d'or, sous forme d'anones ou de subventions, il s'efforce de reconstituer l'armée, d'assainir les finances et de soulager la misère de ses sujets. Ainsi, pour son avènement il remet les arriérés d'impôts puis ensuite se montre strict avec les contribuables tout en s'efforçant d'être juste. Le septième jour de son règne écrit Corripe, il donne audience à Targitès, l'envoyé des Avars. Justin lui fait comprendre que les largesses de son oncle pour acheter la paix, c'est fini ! Mais la réalité est plus forte que sa volonté. Il soutient les Gépides attaqués par les Lombards alliés aux Avars et leur fait promettre de restituer Sirmium, mais comme ils ne respectent pas leur engagement, Justin laisse détruire leur Etat.
De plus, Justin est hautain et maladroit, il inquiète son entourage par ses sautes d'humeur brutales. Sophie joue un rôle important dans les décisions impériales. Ainsi, à sa demande, Justin rappelle Narsès, toujours en Italie, en 567, qui est remplacé par le Patrice Flavius Longinus, officiellement on lui reproche de s'être enrichi personnellement et ses exactions fiscales. Mais le courrier envoyé par Sophie est si insultant pour Narses qu'il est furieux. Elle lui fait savoir que l'exercice des armes est pour les hommes et qu'il doit revenir dans la place qui lui convient parmi les filles du palais, où on lui mettra une quenouille dans sa main. De là à l'accuser d'avoir ouvert la frontière aux Lombards par dépit ! Il ne rentre pas à Constantinople mais se retire à Naples.
La conquête de l'Italie du Nord par les Lombards
Alboin, le roi des Lombards est pressé par les Avars et veut conquérir l'Italie. Il invite les Barbares de Germanie et de
Scythie à l'accompagner dans cette conquête. Vingt mille guerriers Saxons, avec leurs femmes et leurs enfants sont de l'aventure, ainsi que des Sarmates, des Thuringes, des Bavarois et même quelques Gépides rescapés. Alboin a préparé de nombreuses armes défensives et offensives et il abandonne les terres de Pannonie où il vivait aux Avars après la promesse solennelle que si les Lombards échouent dans la conquête de l'Italie, ils rentreront dans leurs anciennes possessions, ce serment est valable deux siècles.
Alboin avance prudemment, en 568, il entre en Italie par les Alpes Juliennes et le Forum Julii (le Frioul actuel) où il laisse un commandant fidèle et une troupe solide. Il évite les forces de Ticinum (Pavie) et écoute les doléances des habitants de Trévise. Et ralenti par ses lourds bagages, il va occuper le palais de Vérone. Puis, avec toute son armée, il investit Milan qui renaît de ses cendres. Les Italiens fuient avant son arrivée mais assommés par les impôts, ils voient les Lombards avec une neutralité bienveillante. Les Lombards occupent l'intérieur de l'Italie du Nord sans livrer de bataille. Le nouvel exarque, sans pouvoir résister, ne peut qu'annoncer à l'empereur la perte de ses provinces et de ses villes. Alboin est seulement arrété par une place fortifiée avec soin par les Ostrogoths, Ticinum et c'est au bout d'un long siège qu'il peut y rentrer et elle devient la capitale du royaume des Lombards. En 570, Zotton et ses Lombards prennent Bénévent.
Les Avars font des raids en Dalmatie et en 569 réclament Sirmium qui leur revient car ayant appartenu aux Gépides avant ainsi que le tribut payé par Justinien aux Kutrigurs puisqu'ils sont leurs vassaux, Justin refuse. Alors les Avars envoient les Kutrigurs ravager la Dalmatie. En Afrique le prince berbère Garmul se révolte contre Carthage et trois fois de suite, il bat les Romains entre 569 et 571, il "règne" sur l'actuel ouest algérien. Les Garamantes du Fezzan signent un traité de paix avec l'Empire et se convertissent au christianisme. En 570, en Espagne, c'est la première campagne du roi wisigoth Léovigild contre la Provincia Spaniae. Une bonne nouvelle ! A la mort du phylarque Ghassanide Al-Harith, en 569, son fils Al-Mundir (Alamoudaros) lui succède. Pensant profiter de ce changement de titulaire, le nouveau roi des Lakhmides Qabus décide une attaque mais son armée subit une défaite, en 570 à Ain Obagh.
En 571, Justin revient sur ses paroles aux Avars et signe un traité de paix avec eux, il leur laisse le territoire des Gépides à l'exception de Sirmium et aussi une forte somme. Vis à vis des Perses, Justin compte aussi refuser le tribut mais Justinien a du payer sept années d'avance en signant le traité de paix. Il met ce temps à profit pour réorganiser l'armée et chercher des alliés. Ainsi en 567, une ambassade des Köktürks (Turcs Bleus, d'Asie Centrale) est reçue à Constantinople. Leur khagan Istämi vient de chasser les Huns Heptalites Sogdiane, allié aux Perses mais depuis il s'est brouillé avec eux. Il propose une alliance contre la Perse et des facilités pour se procurer de la soie en provenance de Chine. En 568, c'est le stratège romain Zenmarchos qui se rend auprès du khan des Költürks, Istämi et négocie un traité contre les Sassanides. Mais les deux parties ne parviennent pas à se mettre d'accord pour une action commune, toutefois les relations commerciales et amicales sont entretenues pendant quelques années avec ces Turcs. La diplomatie romaine agit aussi dans l'Arménie perse et en Ibérie. Khosroes de son côté, appelé par les Himyarites envoie une armée au Yémen pour chasser les Axoumites alliés de Constantinople et annexe le pays en 571. La deuxième campagne de Léogivild se termine par la prise de la cité d'Asidona en Bétique (actuellement Media-Sidonia).
Pendant ce temps là, Tibère est nommé magister utriusque militiae pour négocier avec les Avars. Il accepte leur installation sur le territoire romain contre la livraison d'otages masculins venant de la famille des divers chefs Avars, mais l'empereur n'accepte pas, il faut que les otages soient de la famille du khan lui même. Celui ci refuse et Tibère doit combattre les Avars. Il remporte une victoire en 571,
dans la Thrace. Mais peu de temps après, il est vaincu par les Avars et manque de perdre la vie dans la déroute de son armée. Pour négocier une trêve, Tibère fournit une escorte qui accompagne les diplomates avars venant discuter avec l'empereur. Mais au retour, les diplomates sont agressés et pillés par des tribus locales. Tibère traque les responsables et rend les biens volés aux Avars.
En 572, Alboin est éliminé sous la responsabilité de Rosamonde, la fille du roi des Gépide qu'il a épousée contre son gré. Le successeur Clephon est aussi tué dix-huit mois plus tard. Les Lombards sont sans chef pendant la minorité de son fils Autharis et l'autorité se fragmente entre une trentaine de Ducs dont certains localement reconnaissent l'autorité de l'Empire. Mais sa
présence est trop faible pour la reconquête mais assez forte pour empêcher les Lombards d'occuper complètement l'Italie qui se compartimente. L'Arménie se révolte contre Khosroes sous l'impulsion de Vardam II Mamikonian et le gouverneur perse est éliminé. Justin II en profite, il accueille très bien les chefs des insurgés à Constantinople et quand l'ambassadeur perse vient à Constantinople réclamer le paiement du tribut, l'empereur refuse catégoriquement et déclare qu'il protège les Arméniens révoltés et qu'il ne permet point qu'on fasse tort à un peuple chrétien. Khosroes pose un ultimatum sommant les Romains de payer le tribut et de se désintéresser des affaires d'Arménie, Justin répond par une déclaration de guerre.
Reprise de la guerre contre la Perse
Cette guerre va durer de 572 à 591. Cela débute mal pour l'empire d'Orient, l'armée romaine commandée par Marcien, entre en Osroène à l'automne 572, ravage l'Arzanène entre en Arménie tandis que Khosroes attaque en Syrie et en Cappadoce. Les troupes romaines en défense sont insuffisantes et pénalisées par des défections dans les tribus arabes sous les ordres du phylarque ghassanide. En 573, Marcien attaque la Mésopotamie perse, soutenu par les Alains suivant Saroues et par les troupes Abasgiennes, il est vainqueur
du général Perse Vahr à la bataille de Sargathon et assiège Nisibe.
Mais Justin le rappelle à Constantinople et l'accuse de vouloir être empereur ! Les troupes romaines quittent Nisibe en désordre. En Syrie, le général perse Ardamahan dévaste les faubourgs d'Antioche, assiège et prend Apamée, et réduit ses habitants en esclavage. Puis il met le siège à la clé de la défense à l'est, la forteresse de Dara, qui est prise par
les Perses au bout de 6 mois, le 15 novembre 573. Justin perd complètement la tête. A Constantinople, une trêve est demandée à Khosroes qui refuse d'abord puis la conditionne au versement de 45 000 pièces d'or, selon Charles Diehl. Khosroes est menacé par les Kötürks en Sogdiane. La peste frappe et fait des milliers de victimes rien qu'à Constantinople.
La trêve accordée par Kosroes et qui ne couvre pas l'Arménie, commence au printemps 574. Justin qui connaît des moments de lucidité, sur les conseils de Sophie, adopte le général Tibère en décembre 574 et l'élève au rang de César. Tibère, le commandant des Excubitores, est remplacé par Maurice. Mais Sophie entend garder le pouvoir. En 575, Tibère
qui considère que la guerre perse passe avant tous les autres intérêts de l'Etat selon Charles Diehl, déplace des armées de la Thrace et de l'Illyricum vers le front perse. Quand la trêve approche de la fin, au printemps 575, Constantinople demande la prolongation et négocie avec la Perse, soudain Khosroes attaque l'Arménie romaine avec une armée immense et un grand nombre d'éléphants, mais ne peut enlever la cité de Théodosiopolis, alors il se tourne vers la Cappadoce, brûle la cité de Sébaste et puis il rencontre l'armée du général Justinien et les Arméniens révoltés et il bat en retraite sur Métilène.
Et près de cette cité qu'il brûle, il subit une grave défaite, et selon Jean d'Ephèse, Khosroes fuit le champ de bataille rapidement, les Romains entrent dans le camp perse et le pillent. Le Grand roi et son armée doivent retraverser l'Euphrate en vitesse et en désordre. A cette occasion de nombreux soldats perses se seraient noyés mais on peut supposer car il n'y a pas de récit détaillé de la bataille, que les archers romains en ont profité pour accroître les pertes dans le fleuve. Manifestement cette bataille a eu un fort impact en Perse puisque l'Egyptien Theophylacte Simocatta nous précise qu'une loi est promulguée peu après, visant à empêcher que le Grand Roi dirige personnellement l'armée perse. A l'automne 576, Khosroes entame des négociations de paix selon Theophylacte. Justinien occupe la Persarménie et attaque alors en Atropatène. Puis il subit quelques échecs dus à l'indiscipline de ses troupes barbares. Khosroes en profite pour rompre les négociations.
A l'automne 576, le roi sassanide rouvre les négociations, mais quand le général perse Tamkhosrau bat le général Justinien en Arménide, en 577, les Perses font traîner les négociations dit Theophylacte. Dans l'hiver 577-578, Tibère remplace Justinien par Maurice au poste de magister militum per orientem, pourtant Maurice n'a encore aucune expérience militaire. Tibère ouvre de nouvelles négociations avec les Perses. Mais au printemps 578, Khosroes devance la fin de la trêve de quarante jours et Maurice commence sa première campagne contre les Perses de belle manière et capture la forteresse d'Aphumon et saccage Singara. Khosroes veut entamer des négociations mais il meurt à la fin de l'hiver 578 - 579, Hormizd IV lui succède et veut poursuivre la guerre.
L'empereur lui envoie des émissaires pour négocier la paix mais les Perses font volontairement traîner les choses et l'insistance des Romains pour récupérer la forteresse de Dara ne facilite pas les négociations. Et à l'automne, les Romains se préparent à reprendre la guerre selon Theophylacte. En 579, c'est la seconde campagne de Maurice, les Perses ravagent la Haute-Mésopotamie et sont victorieux des Romains en Arménie selon Theophylacte. L'empereur tente de négocier en hiver avec le roi Horzmid IV. La guerre continue en 580, Maurice part en campagne en été, il est avec le Phylarque ghassanide Al-Mundhir. Il traverse l'Euphrate à la hauteur de Circesium pour pénétrer au coeur de la Perse et atteindre la capitale Ctésiphon. Mais les difficultés qu'il a avec Al-Mundhir et une habile diversion des Perses en Mésopotamie le forcent à rebrousser chemin.
En 581, nouvelle campagne de Maurice avec Al-Mundhir, cette fois ils avancent, battent Hormizd et menacent Ctésiphon, tandis qu'en Arménie, Justinien est vainqueur d'Hormizd qui perd son trésor et ses éléphants. En hiver Tibère tente de négocier la paix avec Hormizd IV tandis qu'Al-Mundir qui s'est querellé avec Maurice est accusé de trahison et banni en Sicile, son fils Naaman retenu prisonnier et l'état Ghassanide est démantelé. Théophylacte écrit que les échecs de Maurice en 580 sont dus au fait qu'Al-Mundhir a dévoilé la stratégie du magister militum aux Perses.
Hormizd IV n'est pas décidé à la paix donc, en 582, nouvelle campagne de Maurice et il remporte une grande victoire près de Constantina contre les généraux perses Adarmahan et Tamkosrau. Et dans cette bataille Tamkosrau est tué, écrit Theophylacte. A cette occasion, Tibère célèbre en 582, un dernier triomphe à Constantinople. Maurice n'exploite pas cette victoire, il rentre
à Constantinople et devient empereur. Les Perses subissent un nouvel échec près de Dara. En automne 582, le général Mystacon est nommé magister militum pour l'Orient. En 583, il commence une campagne dans l'Arzazène et remporte un premier succès et il assiège la forteresse d'Acbos sur la rive du Nymphios. Mais il est repoussé à l'automne par le général perse Kardarigan, en raison de la défection du légat Cursus, au confluent du Nymphios et du Tigre. Les négociations de paix engagées en hiver, échouent.
Localisations de Mélitène et de Singara
En 574 les Avars franchissent le Danube. En 575 le roi ghassanide al-Mundhir, se réconcilie avec les Romains, puis pille et brûle Al-Hira,
la capitale des Lakhmides. Tardu succède à son père Istämi comme Khagan des Köktürks. Il reçoit sur le haut Youldouz, l’ambassadeur romain Valentinos, et lui reproche l'accord passé avec les Avars (575-576). L'alliance entre l’Empire d'Orient et les Köktürks est rompue selon René Grousset. En Italie, Tibère envoie des renforts commandés par Baduarius pour repousser les Lombards. Rome est sauvée mais Baduarius est vaincu et tué en 576 et la partie de l'Italie tenue par les Lombards est agrandie.
A Constantinople, Sophie veut épouser Tibère pour garder son influence mais celui ci refuse en disant qu'il est déjà marié avec Ino. En Espagne, le roi Leovigild conquiert les Asturies et commence à attaquer les Suèves. En Crimée, le khan Tardu envoie des cavaliers commandés par Bokhan et un chef Utrigur, Anagai, attaquer des établissements romains ainsi que la cité de Panticapée près de l'actuelle Kertch selon René Grousset. En 578, Classis, le port de Ravenne est pris par le duc Lombard Faroal de Spolète écrit Charles Diehl. En Afrique, le prince berbère Garmul est vaincu et tué par le Patrice Gennadius en 578.
Tibère II (578 - 582)
Le 5 octobre 578, Justin II meurt. Tibère nommé Auguste depuis le 26 septembre, devient empereur sous le nom de Constantin, sa femme Ino prend le nom d'Anastasia et sa famille s'installe dans le palais. Sophie est mécontente et veut se venger. Elle aurait conclu un pacte secret avec le général Justinien, dans le but de renverser l'empereur et le remplacer par Justinien. Mais le projet a échoué et Sophie est restée avec une petite allocation de ressources, tandis que Tibère pardonne à Justinien. L'empereur profite des économies qu'ont faites Justin II et Sophie pour donner aux Romains l'illusion que la prospérité est revenue, il diminue les charges fiscales et acquiert une grande popularité mais au détriment des finances de l'empire.
En Espagne, en 579, Léandre devient évêque de Séville, la métropole de la Bétique. Il fait abjurer l'arianisme à Hermenegild, le fils du roi wisigoth Léovigild contre lequel ce prince se soulève en s'appuyant sur les territoires méridionaux du royaume (probablement soutenu par l'empereur). Léogivild riposte par un concile arien à Tolède dont le but est
de rallier les évêques catholiques à l'arianisme par des concessions mais c'est un échec. Les Slaves occupent la Pannonie et descendent vers la Grèce. Khosroes soumet l'état Lakhmide, son allié et place un gouverneur perse à Hira. En 579, Rome est assiégée par le Duc Faroal de Spolète et le pape Pélasge II est consacré sans l'aval de Constantinople. Il envoie
Grégoire pour le représenter auprès de l'empereur et du patriarche dès son avènement.
En 581, le roi ghassanide Al-Mundhir est reçu à Constantinople. Il vient plaider pour les monophysites de son pays et l'arrêt des persécutions. En Espagne, Léovigild, le roi des Wisigoth bat les Romains qui cherchent à profiter de la révolte d'Hermenegild. En 582, l'empereur Tibère ordonne aux habitants de Sirmium de quitter cette ville assiégée par les Avars parce
que Salomon, le commandant de la garnison n'a pas prévu de vivres et que les troupes de Bayan, le chef des Avars, sont renforcées. Bayan exige une augmentation du tribut payé par l'empire. Sirmium en Pannonie est prise et le chemin de la Save est ouvert pour les Slaves.
Pendant l'été, les Avars prennent Singidunum, Viminacium et Augusta dans l'Illyricum et atteignent la mer Noire à Anchialos. Une ambassade romaine conduite par Comentiulus et Elpidius est envoyée auprès du khagan des Avars, Bayan, à Anchialos dit Theophylacte.
Tibère paie un fort tribut aux Avars pour obtenir une paix de deux ans. Srem sur le danube, (aujourd'hui Sremska Mitrovica) est prise par une invasion slave qui envahit la Thrace et l'Illyricum, Les Lombards assiègent Naples. Maurice et Germain sont nommés César et épousent les deux filles de l'empereur, respectivement Constantina et Charito, le 13 août 582, tandis que Tibère mourant, sans doute
empoisonné*, nomme Auguste, Maurice. Le lendemain, l'empereur meurt.
* On a aussi mis en cause la consommation des fruits du sycamine qui est un arbre produisant des feuilles telles celles du murier et des fruits comme le figuier..
Le règne de Maurice (582 - 602)
Flavius Mauricius Tiberius devient empereur à 43 ans. Sa famille est originaire de Rome mais installée à Arabissus en Cappadoce.
Les caisses de l'état sont vides suite aux "cadeaux" de son prédécesseur. Les Francs Childebert II et sa mère Brunehilde
sont contactés pour une descente en Italie contre les Lombards avec un défraiement de 50 000 sous d'or, financé par l'empire.
Childebert reviendra en 585, il aura fait la paix à prix d'argent avec les Lombards. Mais l'essentiel des forces romaines est mobilisé contre les Perses. Les Slaves en partie avec les Avars, en partie pour échapper à leur domination, ravagent Athènes et Corinthe et approchent du Long Mur en 584 et assiègent Thessalonique en 586. Une seconde ambassade romaine du sénateur Elpidius se rend auprès de Bayan, la paix est conclue avec les Avars selon Theophylacte. En été, les Avars de Bayan sont battus et chassés par Comentiolus près de la rivière Erginia après s'être avancés jusqu'au Long Mur de Thrace.
Le 4 octobre 584, le pape Pélage II informe Grégoire à Constantinople de la situation en Italie et le charge de demander des
secours à l'empereur contre les Lombards. Maurice réagit et envoie à Ravenne un nouvel exarque, nommé Smaragdus avec une armée. L’exarque, est un fonctionnaire qui a la haute main sur les pouvoirs civils et militaires. C'est une réponse de Maurice aux
problèmes posés "outremer", il y a un exarque à Ravenne et bientôt un autre à Carthage, armés de pouvoirs illimités, mais ici à Ravenne, disposant cependant d’effectifs insuffisants pour lutter contre les Lombards selon Henri Pirenne.
Le roi des Wisigoths Léovigild, reprend Séville abandonnée par son fils révolté Herménégild, qui se réfugie à Cordoue, en territoire romain, mais il est pris peu après. Chez les Lombards, c'est le rétablissement de la royauté. Authari est majeur et couronné roi des Lombards. Son royaume reste vassal des Francs jusqu'en 590. Il reprend la lutte contre l'Empire et menace Ravenne, qui est sauvée par l’intervention de la flotte impériale écrit Henri Pirenne.
En 585 Léovigild, le roi des Wisigoths conquiert le royaume des Suèves, au Nord-Ouest de l'Espagne. Il écrase la révolte de son fils Herménégild, et le 13 avril, ce prince, fait prisonnier à Cordoue et ayant refusé d'abjurer le catholicisme, est
décapité et l'évêque Léandre exilé. En été, le général romain Comentiolus bat à Andrinople une horde de Slaves menés par Ardagast, près du fort d'Ansinon dans le district d'Astice. Les Avars et les Slaves assiègent Thessalonique en fin d'année. En 587, les Avars envahissent la Thrace et obtiennent un premier succès contre Castus,
ils sont battus ensuite par les généraux romains Droctulf et Jean Mystacon près d'Andrinople écrit Theophylacte. Au printemps, Comentiolus commence sa campagne contre les Avars en Dobroudja. En été les Slaves ravagent la Grèce tandis que les Avars se replient à Sirmium dit Theophylacte. Le comte Syagrius, envoyé en ambassade par le roi Franc Gontran auprès de Maurice, est nommé Patrice par l'empereur
En hiver 587-588, les Romains persuadent les Antes d'attaquer les Slaves sur leurs terres, au nord du Danube nous confie Theophylacte. Un nouveau
soulèvement des Maures en Afrique, menace Carthage. Le patrice Gennadius, le futur exarque, réussit à "acheter la paix". Une ambassade de Childebert II et sa mère Brunehilde est envoyée à Constantinople pour préparer la guerre contre les Lombards au début de l'année 588 mais l'armée franque envoyée en Italie est vaincue et la paix est conclue en 589. En été 588,
l'empereur songe à prendre le commandement de l'armée des Balkans mais il se ravise et c'est le général Priscus qui est envoyé. Les Avars prennent Anchialos et assiègent Priscus dans Tzouroulon. En automne, les Avars se retirent à Sirmium à la nouvelle d'une attaque turque et ayant reçu de l'argent de l'empereur Maurice. L'invasion slave dans les Balkans se poursuit nous confirme Theophylacte. En Italie, au printemps, Authari monte une expédition dans le Samnium et en Calabre jusqu'à Reggio. Les Lombards font de Bénévent la capitale d’un puissant duché. En 589, l'exarque de Ravenne reprend le port de Classis.
En automne 589, de fortes inondations du Tibre causent la mort de nombreuses personnes, et emportent les réserves alimentaires. Cette catastrophe est suivie d'une grande disette et d'une épidémie de peste au début de l'hiver 589, ce qui cause la mort de davantage de victimes. Le pape Pélage II, atteint à son tour, meurt le 8 février 590 écrit Grégoire de Tours. Le 3 septembre, Grégoire Ier le Grand, est élu pape. Ce pape repousse par deux fois les assauts d’Agilulf contre Rome et prend en main le pouvoir politique en s’adjugeant le titre ducal. Ayant exercé des fonctions dans l’administration romaine, il se considère comme un sujet de l'empereur. Le 26 mars 590, jour de Pâques, l'empereur Maurice proclame Auguste son fils aîné Théodose, âgé de 4 ans.
Durant le printemps et l'été, une attaque combinée des Francs et des Romains a lieu contre les Lombards. L’exarque de Ravenne marche contre Authari qui se réfugie dans Pavie. L’exarque s’empare d’Altinum, de Modène et de Mantoue. Childebert envoie une forte armée franco-alamanique commandée par vingt ducs. Elle parcourt pendant trois mois l’Italie du Nord, mais est incapable d’enlever les villes, où les Lombards se sont repliés à l'abri de leurs fortifications. Authari meurt le 5 septembre. La disette et la maladie contraignent les Francs à se retirer. Les Lombards leur offrent un tribut de 12 000 sous d'or annuels pour la paix. Gontran accepte, mais Childebert réserve sa réponse selon Ferdinand Lot et Henri Pirenne. La paix avec les Francs renforce le royaume lombard. Les
Romains, libérés par la paix avec la Perse, se détachent des Francs, qui cessent d’intervenir en Italie écrit Theophylacte ainsi que Ferdinand Lot et Henri Pirenne. Le 3 septembre, Grégoire Ier le Grand, est élu pape. En automne 590, l'empereur Maurice marche à la tête des troupes romaines contre les Avars vers Anchialos selon Theophylacte.
En mai 591, Agilulf qui a épousé la veuve d'Authari, est proclamé roi des Lombards à Milan. Au printemps 592, Maurice commande l'armée vers Anchialos contre les Avars. Il retourne plus tard à Constantinople pour recevoir les ambassadeurs perses, puis
francs et avars. En Italie, les Lombards prennent Pérouse en 593 et coupent ainsi les communications entre Rome et Ravenne écrit
Theophylacte et ils menacent Naples. Pendant l'hiver 593 - 594, Agilulf assiège Rome défendue par le pape isolé qui décrit une population affamée et désespérée et grossie des gens qui fuient devant les Lombards. Grégoire le Grand doit traiter avec le roi Lombard devant l'inefficacité de Romain, l'exarque de Ravenne. Le siège est lévé après un accord entre le pape et Agilulf prévoyant une trêve contre le versement d'un tribut de 500 livres.
Priscus devient en automne 592, le commandant de l'armée pour la Thrace et il profite de la venue de troupes transférées depuis l'Orient pour attaquer les Slaves et les Avars et Singidunum est repris aux Avars. L'année suivante, il remporte des succès contre les Slaves. Mais en dépit des ordres de Maurice, Priscus à l'automne, revient en Thrace pour hiverner, les Slaves en profitent pour ravager Aquis, Sculpi et Zaldapa (dans la Dobroudja) selon Theophylacte. En 594, c'est Pierre, le frère de l'empereur qui commande sa première campagne dans les Balkans et en Palestine, un nouveau soulèvement des Samaritains éclate contre l'empire. Priscus doit secourir Singidunum assiégé par les Avars en 595 écrit Théophylacte. En été, ceux-ci attaquent la Dalmatie et aussi la Thuringe.
Mais les Avars reprennent l'offensive sur le Danube et en Thrace. Ils sont avec les Slaves en train d'assiéger Thessalonique dès le 22 septembre. Le général Priscus est assiégé par les Avars pendant l'hiver à Tomis et ils menacent Constantinople mais
se retirent devant la crainte de la peste. Au printemps 598, les assiégeants se retirent et le traité prévoit la frontière fixée au Danube en contrepartie d'une d'une hausse du tribut. En Italie, l'empereur conclut par l'intermédiaire du pape, un traité
avec le roi des Lombards lui concédant l'Italie du Nord et restituant Pérouse à l'exarque de Ravenne Callinicus et laissant libre les communications entre Ravenne et Rome. Au printemps 599, l'exarque Callinicus est félicité par le pape pour ses victoire sur les Slaves. En automne, la paix est rompue entre les Avars et l'empire, les généraux romains, Priscus et Comentiolus traversent le Danube et sont vainqueurs des Avars alliés aux slaves en Pannonie écrit Theophylacte. L'empereur donne l'ordre de rendre les prisonniers avars. Une paix est signée avec les Avars qui fixe la frontière entre les deux états sur le Danube en 600. L'année suivante, les opérations militaires sont suspendues entre l'empire et les Avars. Mais à l'automne 601, les hostilités reprennent et l'empereur nomme son frère inexpérimenté, Pierre, stratège des armées du Danube. Il pénètre en Dardanie en automne et là, découvre que le général Apsich de l'armée avare, campe près des Portes de Fer. Les deux officiers se rencontrent et négocient sans arriver à un accord. Les Avars se replient à Constantiola et Pierre fait hiverner son armée en Thrace. L'année 602
Monnaie représentant Maurice
Suite de la guerre contre les Perses
En 584, le magister militum Jean Mystacon est remplacé par Philippicus qui est le beau-frère de l'empereur Maurice. Il recrute des troupes et fortifie Monocarton et à l'automne, il ravage les plaines de Beth Arabaye près de Nisibe écrit Theophilacte. En 585, les opérations lancées en Arzazène par Philipicus continuent. Au printemps 586, les Perses souhaitent reprendre les pourparlers de paix. Mais une nouvelle tentative d'invasion de l'armée perse commandée par Kardarigan, dans le nord de la Mésopotamie est arrêtée par Philippicus qui a bien anticipé. Son armée déployée à Solachon, contrôle les diverses voies de pénétration et en particulier la rivière Arzamon. Kardarigan attaque au centre l'armée romaine qui tient tandis que Philippicus fait agir les ailes contre les flancs perses. L'armée sassanide s'effondre et fuit. Les Perses perdent beaucoup d'hommes dans le désert en raison de la soif et de l'eau empoisonnée. Le général Kardarigan s'est mis sur une hauteur avec une fraction de son armée et il tient plusieurs jours contre les attaques romaines. Cette bataille n'est toujours pas décisive même si elle
améliore la situation romaine en Mésopotamie. En été, c'est une nouvelle campagne de Philippicus contre les Perses en Arzanène, le siège de Chlomaron n'aboutit pas. En automne, le général romain Heraclius l'Ancien ravage les territoires perses
au delà du Tigre écrit Theophylacte. En 587, les Romains assiègent les forteresses perses.
En avril 588, le général sassanide Vahram Chubin est vainqueur des Köktürks et de leurs vassaux Hephtalites. Les Perses s'emparent de Balkh. Le général romain Priscus, nommé magister militum pour l'Orient pour remplacer Philippicus, arrive à
Monocarton, mais le 20 avril 588 éclate une mutinerie des troupes romaines d’Orient, qui, impayées, se débandent et pratiquent le brigandage et la maraude. En mai-juin, Priscus rentre à Constantinople et Philippicus est de nouveau nommé commandant des troupes d'Orient. La mutinerie continue et les soldats élisent Germanus comme leur chef et en été écrit Theophylacte, Germanus défend Constantina attaquée par les Perses. Et en automne, Germanus remporte une victoire sur les Perses près de Martyropolis. En 589, le général perse Vahram Chubin bat de nouveau les Köktürks près de Hérat. Le 10 avril 589, c'est la fin de la mutinerie des troupes d’Orient après le règlement de leurs arriérés de solde. Philippicus est accepté comme général. Au printemps 589, Martyropolis est reprise par les Perses grâce à la trahison de Sittas écrit Theophylacte qui
nous précise que l'empereur Maurice planifie l'invasion de l'Albanie (actuel Azerbaïdjan) par les tribus du Caucase, dirigée par le prince ibérien Gouaram. En été, Philipicus assiège Martyropolis, mais il est repoussé par des renforts perses. Le 6
février 590, le roi de Perse Hormizd IV est aveuglé et déposé par les Nobles révoltés qui placent sur le trône son fils Kosroes II Abharvez, il est couronné le 15 février. Mais le 20 février, le général Vahram Chubin, se révolte contre Khosroes II et marche sur Ctésiphon, qu'il prend le 28 février. Khosro II est vaincu, il se réfugie en territoire romain. Le 9 mars, Vahram Chubin est couronné sous le nom de Vahram VI.
Khosroes II obtient le soutien de Maurice en dépit de l'opposition du Sénat. En février 591, Khosroes II, prépare une contre-offensive à Constantina. Au printemps, Maurice nomme le général Narsès, nommé magister militum pour l'Orient en remplacement de Comentiolus. Narsès avance sur Mardès, forteresse près de Dara aux côtés de Khosroes II. Les Arabes des environs se rallient à Khosroes qui envoie les clefs de Dara à l'empereur Maurice lequel confirme officiellement qu'il adopte Khosroes. Narsès avance à 150 kilomètres de Mossoul où il reçoit des renforts d'Arménie. Le général perse Mabad prend Ctésiphon et proclame Khosroes roi. Il massacre les partisans de Vahram, dont les Juifs de la ville. En juin, Narsès est victorieux face à Vahram Chubin entre entre Arbèle (Erbil) et Kirkouk. Vahram s'enfuit au Khorassan chez les Turcs qui plus tard le mettent à mort. A l'automne 591, un traité de paix est signé entre les empires romain et perse. En retour de son aide, Maurice reçoit d'importantes concessions territoriales (l’Arménie jusqu’au lac de Van et Tiflis, Dara et Martyropolis) et Khosro se montre tolérant envers les chrétiens. Après le traité de paix avec les Perses, l'empereur peut transférer des troupes vers l'ouest pour lutter contre les Avars et les Slaves.
602, l'année sanglante
Theophylacte nous précise qu'en début février des émeutes de la faim éclatent à Constantinople. Le mécontentement contre l'empereur Maurice est général. En 601 des manifestations populaires s'en prenant à l'empereur
lui-même ont éclaté à Constantinople et ont été réprimées par les soldats des dèmes. Et
même l'armée est mécontente de la sévérité et la parcimonie de l'empereur. Il a déjà
réduit deux fois les soldes des militaires et même réduit la part du butin qu'il leur est attribuée. Une mutinerie a
déjà eu lieu sur le front perse en 588 pendant l'année entière. En 592, 593 c'est au tour de l'armée d'Europe et depuis 591, les levées en Arménie sont particulièrement mécontentes et indisciplinées. Et en 599 ou 600, on dit que douze mille prisonniers romains n'ont pas été "rachetés" aux Avars et exécutés !
En été, l'armée commandée par Pierre arrive sur le Danube et elle combat les Slaves du Bas Danube pendant que Bayan, le khagan des Avars, à Constantiola, garde les Portes de fer. En automne, l'empereur donne l'ordre aux troupes de Thrace d'hiverner sur la rive gauche du Danube, en territoire conquis. Elles se révoltent contre Maurice et les avis divergent sur le futur empereur que les soldats souhaitent. Les uns "votent" pour son fils aîné le César Théodose, d'autres pour son beau-père Germanos. Et l'armée se met en marche vers Constantinople. Lorsque l'empereur apprend cette nouvelle, il est très inquiet car il n'a que très
peu de troupes disponibles. Il est contraint de faire appel aux milices des dèmes pour assurer la défense du mur théodosien. Mais surtout il est méfiant, il croit voir des complots partout. Il pense que Théodose et Germanos ne sont pas insensibles aux offres des mutins. Il fait rouer de coup son fils quans à Germanos, il se réfugie dans Sainte Sophie. Maurice donne l'ordre de l'arrêter, c'est
la faute. Le peuple de Constantinople se soulève pour défendre Germanos. Les miliciens des dèmes quittent le mur théodosien pour se joindre aux manifestants. L'émeute s'étend; le palais du préfet du prétoire est incendié, et selon
Théophylace, le peuple couvre d'insultes et de chansons injurieuses, le nom de l'empereur.
C'est fini, Mautice et sa famille passent sur la côte asiatique et se réfugient près de Nicomédie, dans l'Eglise de Saint Autonomos, le 21 novembre 602. L'empereur envoie son fils Théodose, demander du secours, chez le roi des Perses, Chrosoes II qui lui doit son
trône. Mais les évènements se précipitent, les Verts se déclarent pour Phocas, le centurion qui a pris la tête
de l'insurrection. Germanos se soumet au nouveau maître et le 23 novembre, avec l'accord du Sénat et les acclamations du peuple, dans
l'église Saint Jean Baptiste à l'Hebdomon, Phocas est proclamé empereur. Le 27 novembre, des soldats envoyés par Phocas éliminent Maurice et ses cinq fils, (Théodose étant revenu vers son père). L'impératrice et ses filles sont enfermées dans un couvent. Les fidèles de l'ex-empereur sont aussi éliminés. Un règne de terreur commence. Toute l'oeuvre de Maurice est anéantie et bientôt les Perses vont envahir l'Asie Mineure "pour venger Maurice !" C'est la fin de la dynastie justinienne et de cet empire romain tardif, la Provincia Spaniae ne sera bientôt plus qu'un souvenir. L'essentiel de l'Italie est aux mains des Barbares, la plus grande partie des Balkans est peuplée de Slaves, il n'y a plus beaucoup de gens qui parlent latin dans l'empire, ce sera
bientôt un empire tout à fait grec.
L'armée de l'Empire d'Orient au VIème siècle
La supériorité des Byzantins du Vème siècle sur les Barbares vient du fait qu'ils réussirent à réaliser la synthèse de l'archer de cavalerie hun et du lancier perse, en entraînant la cavalerie cuirassée à la fois au tir à l'arc et à la charge à la lance. L'armée des frontières disparaît au cours du Vème et VIème siècles. S'appuyant sur le limes qui n'est pas une frontière continue, surtout dans les régions désertiques de Syrie et d'Egypte, la défense des frontières repose sur des fortins espacés de 15 à 30 kilomètres, et son but n'est pas
d'arrêter une armée ennemie mais de la retarder pour donner du temps aux renforts d'arriver, puis de harceler l'envahisseur sur ses arrières. Au début du Vème siècle, cela représente 336 garnisons : 104 pour le Danube, 62 pour la frontière
de Haute Mésopotamie avec l'empire perse, 95 en Syrie et 75 en Egypte. Mais en fait, elle n'est efficace que contre une razzia et immobilise un nombre excessif de soldats, de qualité médiocre et toujours en nombre insuffisant à l'endroit attaqué.
Elle disparaît progressivement pendant ces deux siècles au profit de l'armée de campagne, le commitatus réparti en Orient en cinq grands commandements dont deux proches de Constantinople à la disposition de l'empereur. Ils sont commandés par un magister militum pour l'infanterie et la cavalerie toujours plus importante. Il suffit de copier ce qui est efficace chez les Huns, les Goths, les Perses ou les Avars. Pour éviter une armée centrale, éloignée des régions menacées, Justinien crée de nouvelles
armées basées dans les régions conquises, l'Arménie, l'Osroène, la Mésopotamie, en Europe, l'Illyricum, la
Thrace, la Mésie et l'Afrique, l'Italie et l'Espagne, toujours contrôlées par le magister militum local. L'armée romaine a baissé en effectif, au IVème siècle, il y a 500 000 soldats pour tout l'empire, sous Justinien, pour l'empire d'Orient qui s'agrandit à l'Ouest, il n'y a que 150 000 soldats. Et ces soldats sont bien payés ce qui explique que jusqu'à la fin du règne de Maurice en 602, aucun coup d' Etat militaire n'a réussi.